Combien de rapports au sujet de la lutte contre le tabac ont été commandés par les pouvoirs publics français au fil des ans? On attend un rapport commande a l'IGAS sur les interdictions de fumer, en 2003 le plan cancer comprenait tout un chapitre sur le tabac avec de multiples recommandations, en 2002 c'etait le rapport d'un groupe de travail présidé par le Pr Gérard Dubois sur la réduction du risque, en 2001 c'était le Pr Dautzenberg qui était au rapport (sur le tabagisme passif) , en 2000 le député Alfred Recours, en 1999, l'obscur M. Berger de la Cour des Comptes, avait "évalué" la loi Evin.
Assez! l'armoire est pleine, les étagères vont craquer! En fait comme on le sait, pour le Gouvernement, commander un rapport vise essentiellement à faire croire au public que l'on se préoccupe de la question et que l'on tiendra compte des éventuelles recommandations. Mais cette éventualité et cette affirmation de bonnes intentions n'engagent que ceux qui y croient. Dans la pratique, aucun rapport ne débouche sur le moindre changement. Le rapport est destiné à l'armoire que l'on ne rouvrira que pour y enfermer le suivant. Ainsi depuis des années, l'un après l'autre, un rapporteur choisi de préférence au sein du même quarteron de professeurs soumet un rapport (la plupart du temps très soumis), fait un petit tour dans les media (eux aussi très soumis) et disparait tant il est vrai que le seul rapport qui compte -évidemment- c'est le rapport des forces. Tant que le rapport des forces n'est pas modifié, rien ne change et la production de rapports ne sert qu'à entretenir l'illusion que ça pourrait changer à partir d'une soudaine et volontaire illumination des gouvernants qui à la lecture d'un tel recueil de sages et judicieux conseils se frapperaient le front en s'écriant "mais c'est bien sûr!" et se mettraient illico à faire ce qu'ils ont constamment repoussé depuis des années. Le pouvoir de conviction et la raison emporteraient ainsi la bataille. La réalité du rapport des forces et des intérêts n'a rien à voir avec ce scénario magique. Commander un rapport fait partie de la stratégie d'évitement et de faire semblant des gouvernants. Accepter de participer à un tel rituel équivaut donc à le cautionner au lieu de travailler à construire un rapport de forces qui conduirait à des changements de politique. La condition fondamentale de la construction d'un tel rapport de forces suppose d'apporter publiquement la contradiction, la contestation, d'engager la confrontation avec l'Etat, les gouvernants. Las, aucun des collaborateurs de ces rapports n'est disposé à une telle mise/remise en cause, à une telle prise de risque. On se bornera donc à un petit catalogue de petites suggestions sans la moindre remontrance qui pourrait faire de la peine au commanditaire du rapport. Certes on demandera un renforcement des moyens, des miettes mais sans vraie conviction ni vraie stratégie. C'est donc finalement sans surprise que cet énième rapport échouera là où il mérite: au fond d'un placard. Pour le rapport des forces il faudra attendre/atteindre un autre degré d'indignation et de révolte contre un Etat (et une Sécu) aux intérêts liés et soumis à l'industrie du tabac.
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