Les producteurs de tabac au Malawi rencontrent de plus en plus de difficultés en raison de la baisse des prix sur le marché. Un intéressant article repris par All Africa.
Pilirani Semu-Banda
Blantyre
Les producteurs de tabac au Malawi rencontrent de plus en plus de difficultés en raison de la baisse des prix sur le marché et du succès croissant des campagnes mondiales contre le tabagisme. Depuis plusieurs mois, les autorités tentent d'encourager la diversification des cultures.
Les plantations de tabac occupent au Malawi près de 80 pour cent de la population. Le pays tire environ 70 pour cent de ses recettes en devises étrangères de la production de tabac. Les feuilles récoltées au Malawi, qui figure parmi l'un des principaux pays exportateurs de tabac, représentent environ deux pour cent de la production mondiale, selon la Banque mondiale.
Depuis plusieurs années, la production locale souffre cependant de la baisse des prix sur les marchés et des campagnes anti-tabac menées par les gouvernements et les organismes de santé publique avec le soutien de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
L'an dernier, la vente des feuilles de tabac au Malawi a chuté de 15 pour cent. Selon les chiffres de la Commission de contrôle du tabac (TCC), les récoltes n'ont rapporté en 2006 qu'environ 137,8 millions de dollars, contre 162 millions en 2005.
Face à cette diminution, les petits cultivateurs doivent limiter leurs plantations ou se tourner vers d'autres ressources. C'est le cas de Dongo Msiska, un cultivateur âgé d'une cinquantaine d'années. A 24 ans, il a repris l'exploitation de son père -- une ferme de 50 hectares qui emploie 33 personnes -- mais depuis trois ans, ses revenus n'ont cessé de baisser.
Pour s'en sortir, Msiska a dû réduire de moitié sa production et se séparer d'une partie de son personnel. "L'année dernière, les revenus de la récolte n'ont pas été suffisants. Je ne pouvais pas me permettre de planter à nouveaux des hectares de tabac", a-t-il expliqué.
Aussi bien les producteurs que les autorités se rendent compte que la culture du tabac n'est plus viable. En six ans, près de 40.000 agriculteurs ont abandonné cette culture, selon la TCC. Le président du Malawi, Bingu wa Mutharika, ainsi que les responsables du ministère de l'Agriculture, tentent d'aiguiller les cultivateurs vers d'autres sources de revenus, comme le coton, le manioc, le soja ou le riz.
Mais dans le même temps, les autorités veulent continuer à défendre le secteur. L'an dernier, par exemple, le président Mutharika s'en est violemment pris aux principaux acheteurs qu'il a sommés de quitter le pays s'ils ne proposaient pas de meilleurs prix pour les récoltes.
Après avoir tenté en vain d'imposer un prix minimum par kilo, le président Mutharika a cependant été contraint de faire marche arrière face aux menaces de boycott des acheteurs. Depuis, le Malawi tente d'agir de front avec d'autres pays producteurs de la région, comme la Zambie, la Tanzanie, le Zimbabwe ou le Mozambique.
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Malgré les appels à diversifier les cultures, de nombreux producteurs placent encore leurs espoirs dans la culture du tabac. Pour Felix Mkumba, de l'Association des tabacs du Malawi (TAMA), la valeur commerciale des récoltes est en effet toujours importante, et accepter une diversification complète serait, selon lui, suicidaire.
David Mkwambisti, maître de conférence auprès du 'Bunda College of Agriculture' à l'Université du Malawi, estime néanmoins que le tabac ne constitue plus aujourd'hui l'un des piliers de l'économie malawite. Il est également très critique vis-à-vis de la diversification prônée par les autorités.
"Le coton est présenté comme une alternative au tabac, mais le gouvernement ne fait rien pour soutenir la culture du coton", souligne-t-il. "Existe-t-il un marché pour le coton, le soja ou le riz? Pourquoi développer ces cultures si nous n'avons pas encore trouvé de marché?", s'interroge-t-il.
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