Below is the text (in French) of a cyber-interview with Thanguy NZUE OBAME, about the adoption of a Tobacco Control law in Gabon. It provides additional details to our previous post (in English only). Very interestingly article 48 of this law proposes to award 2% of the tobacco taxes to fund tobacco control activities. If adequately implemented such a budget would be extremely valuable and effective (see question 8) as most of the time no regular funding is provided. The choice of 2% is an improvement upon the goal mentioned (never implemented) in the article 6 of the 1988 European Charter Against Tobacco, "impose a levy of at least 1% of of tobacco cotx revenue to fund specific tobacco control and health promotion activities".
Merci Thanguy d'avoir accepté ce cyber-entretien. Peux-tu d'abord te présenter et nous dire quand, pourquoi et comment tu t'es impliqué dans la lutte antitabac?
Je suis Thanguy NZUE OBAME, Juriste spécialisé en droit du travail,
Inspecteur du Travail de formation et de profession.
Je suis arrivé dans la lutte anti-tabac à la fin de l’année 2007, par le canal d’un collègue togolais vivant au Canada, Thomas Lero, de qui j’ai reçu le premier message via mail, m’invitant à m’intéresser au controle du tabac en Afrique en général, et dans mon pays en particulier. Puis encouragé et guidé par Véronique LE CLEZIO, une autre pionnière de la lutte antitabac, je me suis definitivement engagé dans ce combat jusqu’à ce jour.
1. J'ai bien entendu des questions sur le contenu de la nouvelle loi sur le controle du tabagisme au Gabon mais peux-tu nous exposer sa chronologie? Quand et comment le projet a-t-il pris naissance, quels en ont été les principaux acteurs, les principales péripéties? Y-a-t-il eu des obstacles particuliers å surmonter?
La loi antitabac qui vient d’etre promulguée est le fruit d’une conjonction d’efforts entre un ancien parlementaire alors député à l’Assemblée Nationale, Monsieur Jean Valentin LEYAMA et et Mouvement Populaire pour la Santé au Gabon, le Mouvement que je dirige.
La priorité de notre organisation était d’amener les autorités gabonaises à mettre sur pied un cadre juridique pour le controle du tabac, mais n’étant pas investi de l’autorité pour faire des lois, Monsieur LEYAMA a, en sa qualité de député à l’Assemblee Nationale à l’époque, accepté d’être porteur du projet, en introduisant au mois de Juin 2011, une proposition de loi portant sur la lutte antitabac en République Gabonaise.
Cette initiative a immédiatement provoqué une réaction de l’industrie du tabac qui a à son tour monté une proposition de loi parallèlle, mais très faible et à son avantage, qu’elle a fait porter par un sénateur du nom de REBELLA.
La manoeuvre visait à affaiblir le projet que nous soutenions avec l’appui de l’Assemblee Nationale, à diviser les autorités sur le sujet, à divertir la population et à créer un imbroglio pouvant bloquer le processus. C’est ainsi que pour un même sujet, nous nous sommes retrouvés avec deux textes de loi au parlement, chaque chambre voulant absolument défendre le texte à son initiative… Se rendant compte que malgré tout notre plaidoyer auprès des différentes autorités avait fini par débloquer la situation et que les deux chambres étaient parvenues à adopter un texte unique, l’industrie a saisi le Premier Ministre le 2 Aout 2012 afin de faire bloquer le processus au niveau du gouvernement. Informés, nous avons à notre tour saisi le Premier Ministre pour apporter des arguments contraires à ceux présentés par l’industrie, et demander plutot à ce dernier de faire accélerer le processus conduisant à la promulgation de ladite loi. La dernière tentative de l’industrie du tabac a été de faire initier un troisème projet de texte de loi, toujours sur le controle du tabac, cette fois, porté par le Ministère de la santé. L’objectif de cette énième tentative: faire reprendre l’ensemble du processus au point de départ.
Une fois encore, nous avons saisi le Président de l’Assemblee Nationale pour démontrer le caractère anti-constitutionnel de l’initiative gouvernementale…
C’est suite à toutes ces péripéties et grace à l’appui permanent du Président de l’Assemblée Nationale, Monsieur Guy NZOUBA NDAMA que le Président de la République a fini par promulguer la loi antitabac le 21 aout 2013
2. L'article 5 de la loi est consacré aux avertissements sanitaires sur les paquets. Il ne semble pas inclure l'obligation d'avertissements illustrés. Cette option a-t-elle été envisagée mais écartée? Pourquoi?
L’article 5 a fait l’objet de débats houleux entre notre organisation et les représentants de l’industrie du tabac via le cabinet du premier Ministre. En réalité, c’est le principe même de l’introduction des avertissements sanitaires qui avait été remis en cause par l’industrie du tabac, puis leur dimension. Dans notre projet initial et compte tenu de l’environnement dans lequel évolue le controle du tabac, nous n’avions pas prévu des avertissements illustrés car nous savions que cela risquait de bloquer l’ensemble du processus. Nous avions en revanche prévu des avertissements avec une taille considerable: 60% pour la Face A et 65% pour la face B. Ce point constituait une des principales raisons pour lesquelles l’industrie avait saisi le Premier Ministre le 02 aout 2012. Elle demandait purement et simplement que ces avertissement soient supprimés, car selon elle, ils étaient en violation des accords de l’OMC. L’argumentaire préparé avec nos partenaires de l’Alliance pour le Controle du Tabac an Afrique (ATCA) a permit aux autorités de maintenir l’article 5 et son texte tel qu’initialement prévu.
3. L'interdiction de fumer dans les lieux publics est proclamée mais il est aussi fait mention dans l'article 21 de la possibilité d'installer des fumoirs dans divers lieux (gares, aéroports, restaurants). Peux-tu préciser les considérations qui ont conduit à ces choix?
Cet article 21 est la manifestation même des manoeuvres dilatoires de l’industrie du tabac et de son ingérence dans les politiques de santé au Gabon, que nous n'avons cessé de dénoncer. Dans le texte original de la loi portant lutte antitabac au Gabon, les dispositions de l’article 21 n’existaient pas. J’affirme que ce sont certains sénateurs, et précisément ceux à la solde de l’industrie du tabac qui ont ajouté ce passage que nous avons découvert uniquement après la promulgation, étant donné que le texte est passé en dernier lieu par le Sénat. Nous ne nous décourageons pas pour autant car, il nous faut renforcer ces passages avec notamment des décrets d’applications forts.
4. L'interdiction de la publicité, du parrainage, des promotions semble complète. Est-ce qu'il y a/avait beaucoup d'activités de ce type au Gabon? Y-a-t-il eu de l'opposition à cette interdiction?
Oui, il existe beaucoup de promotion des produits du tabac et ses dérivés sur toute l’étendue du territoire gabonais étant donné qu’il n’existait aucune réglementation en la matière.
Non, il n’a pas eu beaucoup de tiraillement sur le sujet.
5. Peux-tu expliquer les dispositions relatives à la traçabilité des produits et à la lutte contre la contrebande? la contrebande est-elle un problème important au Gabon?
Les dispositions relatives au commerce illicite correpondent à la volonté du Gouvernement de lutter contre ce fléau. Le Gabon a été parmi les 12 premiers pays ayant signé le protocole sur le commerce illicite des produits du tabac. Les frontières entre les pays d’Afrique Centrale sont poreuses et par conséquent tous genres de traffics s’y déroulent allant du Gabon au Cameroun voisin, Guinée Equatoriale ou Congo…
6. L'article 38 mentionne de 'fortes taxes'. A quel niveau les produits du tabac sont-ils taxés au Gabon?
La taxation des produits du tabac au Gabon répond aux exigences retenues par les règles de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) et à ce titre, le Gabon a déjà atteint le niveau le plus élévé prévu. Cependant, nous pensons qu’il est indispensable de faire mieux car la communauté peut, pour le bien de la santé de ses populations, prévoir de règles encore plus strictes, d’ou notre envie d’agir au niveau communautaire afin d’amener les états membres à relever le niveau actuel des taxes sur les produits du tabac dans la sous-région. C’est un combat que nous avons déjà commencé au plan national, grace à l’appui de la FCA et que nous souhaitons continuer au plan communautaire dès janvier 2014.
7. L'article 40 donne aux associations antitabac le droit d'agir en justice comme partie civile lorsque la loi est violée. Cette disposition a-t-elle posé problème?
Oui. Elle a fait l’objet du second point de récrimination de l’industrie du tabac, notamment dans sa saisine adressée au Premier Ministre. Pour l’industrie, les dispositions suivantes :
“Le respect de la loi ne dégage en aucun cas les fabricants et les distributeurs de toute responsabilité légale des dommages causés par leurs produits ou de l'exposition à la fumée du tabac “ contenues dans la loi seraient illégales au regard des dispositions du Code civil gabonais et méritaient d’être purement et simplement supprimées… La version finale ayant conservé lesdites dispositions, nous pouvons affirmer que notre argumentaire auprès du Premier Ministre a eu l’effet escompté.
8. Il est prévu la création d'une Commission Nationale de lutte contre le tabagisme qui devrait en partie être financée par l'octroi de 2% des recettes fiscales du tabac. Peux-tu nous donner des précisions sur cette Commission et comment a été décidé ce type de financement? As-tu une idée du budget potentiel?
L’idee de cette commission vient de ce que les financements pour la lutte antitabac n’existent pas au plan national. Aucune de nos structures ne béneficie du financement de l’Etat bien que notre combat oeuvre pour la santé publique. Nous avons donc pensé mettre en place un mécanisme d’auto financement pouvant permettre que les activités de lutte antitabac disposent d’un mécanisme de financement indépendant. Il revient aux autorités d’en désigner les animateurs qui doivent veiller à la mise en oeuvre des dispositions de la convention Cadre pour la lutte antitabac.
Nous espérons en faire partie.
Quant au budget potentiel, j’avoue ne pas avoir une idée très précise, mais l’industrie du tabac a souvent declaré contribuer suffisamment au budget de l’Etat à travers le paiement des taxes. Nous osons donc espérer que le budget de la commission, sur la base de 2% desdites taxes, sera également conséquent et permettra la mise en oeuvre par le Gabon des dispositions de la Convention Cadre de l’OMS pour la lutte antuitabac.
9. Peux-tu nous donner une idée du coût, de moyens nécessaires à l'organisation du plaidoyer pour parvenir à la mise en place de cette loi? Y-a-t-il eu un soutien international? De quel ordre?
Sincèrement, j’aurais du mal à évaluer exactement quel cout financier cette operation nous a occasionné. Ce fut simplement exaltant d’arriver au résultat actuel qui mérite par ailleurs d’être amélioré car avoir une loi c’est bien, qu’elle soit soit forte et en assurer la mise en oeuvre c’est mieux.
Nous avons eu le soutien technique et financier de l’Alliance pour le Controle du Tabac en Afrique (ATCA) depuis 2011, à travers le projet ATCC et l’ensemble des ses partenaires.
Nous espérons surtout que nos partenaires maintiendront ce soutien afin de nous permettre de renforcer le texte promulgué par la prise de textes d’application forts, la promotion des principales dispositions de la nouvelles loi ainsi que ses textes d’application, en un mot, la mise en oeuvre des textes que nous sommes en train de faire produire…
10. L'interdiction de fumer en direction des mineurs (18 ans) est assortie de la possibilité de condamner les jeunes fumeurs à des travaux d'intérêt général ainsi que leurs parents au paiement d'amendes. N'est-ce pas une pénalisation excessive?
Je ne pense pas que cela soit excessif. Nous pensons que les jeunes sont ceux qu’on doit le plus protéger et l’actuelle loi y est revenue abondamment. L’industrie du tabac cible les jeunes, car ils sont le réservoir de ses profits. Alors il faut que chacun prenne ses responsabilités, parents et jeunes eux-mêmes.
11. La loi n'entre complètement en application que dans un an, comment vois-tu les priorités pour les associations maintenant que la loi est promulguée?
Parmi les piorités des activists que nous sommes, il est indispensable que d’ici un an nous ayons les décrets d’application de ladite loi, décrets forts venant combler certaines lacunes actuelles. Dans le même temps, un plan de communication doit être élaboré afin de faire connaitre les dispositions de la nouvelle loi, afin que la population commence à s’ y habituer. L’heure n’est donc pas à savourer une quelconque victoire, mais plutot à préparer le terrain pour une mise en oeuvre efficace de la loi promulguée.
12. Y-a-t-il d'autres aspects que tu souhaites souligner? des conseils qui seraient utiles aux activistes antitabac d'autres pays Africains?
Simplement qu’il faut oser et y croire. En 2007, l’idée de mettre en place une loi antitabac au Gabon, paraissait utopique et je me souviens que certaines autorités nous riaient au nez, nous laissant entendre que ce n’était pas une priorité pour le pays. Nous nous sommes battus , avec des moyens très limités, et nous avons obtenu des résultats encourageants: d’abord la ratification de la CCLAT en 2009, et maintenant la promulgation de la loi antitabac.
Il est donc possible, avec peu de moyens, mais une détermination et une stratégie permettant de travailler en collaboration avec les autorités, d’obtenir des résultats concrets. Une bonne collaboration avec les principaux partenaires que sont l’OMS , la société civile et les autorités en charge des questions de santé est indispensable, car même lorsque nous n’étions pas du même avis que certaines autorités, nous avons tout de même continué à collaborer et à travailler avec elles tout en dénonçant les points de discorde.
Nos remerciements à ATCA, à la FCA et au projet ATCC qui nous ont soutenu durant cette phase delicate.
Encore merci Thanguy d'avoir pris le temps de répondre à ces questions et de partager ton experience. Toutes nos félicitations et tous nos meilleurs voeux pour la suite.
Below the last page of the law with article 48 :)
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