Je me suis réveillé ce matin en pensant aux lignes que j'avais écrites hier sur les dessins et affiches antitabac: souvenirs sympa d'ancien combattant que je pourrais compléter par quelques autres anecdotes (y compris l'histoire des affiches de Quimper). Mais il ne faut pas se leurrer: il ne s'agit là que d'infinies broutilles, complètement noyées dans un océan de publicités et de promotions produites et diffusées pour la plupart en toute illégalité et en toute impunité par les fabricants.
Le monde des images appartient encore -et pour longtemps?- à l'industrie: que pouvaient nos quelques actions de guerilla? Bien peu je le crains. Tant que les actions de communication pour promouvoir le refus du tabagisme resteront à un si faible niveau tandis que le marketing des marques continuera à hautes doses leur impact demeurera -fort logiquement- limité.
Dans le chapitre Dissensions sur la com' j'aborde plus en détail les conflits qui m'ont notamment opposé à la CNAMTS et au CFES parce que je jugeais leurs campagnes de communication très insuffisantes, tant en quantité qu'en qualité.
Ce sujet est encore largement tabou en 2005. Lisez la conférence de presse du Ministre de la Santé à l'occasion de la journée mondiale sans tabac: l'autosatisfaction et l'autocongratulation sont de rigueur tandis qu'aucun représentant des media ne pose la moindre question qui fâcherait sur l'asymétrie des moyens entre ces mini-campagnes (qui ne font que le minimum) et le marketing permanent et massif de l'industrie. En ce sens la journée mondiale sans tabac est bien ce qu'elle proclame: une unique journée dans le cours d'une année autrement dominée par la propagande des firmes de tabac.
Mais il ne faut pas le dire. Pourquoi? Parce que cela risquerait d'être décourageant? Parce que cela ferait enrager tous ceux et toutes celles qui se contentent de si peu et colportent l'illusion que les campagnes qu'ils organisent sont très efficaces alors qu'elles ne le sont pas? Parce que ce serait mettre le doigt sur une déficience structurelle de nature à faire douter de l'ensemble des dispositions mises en place par les pouvoirs publics et du discours autosatisfait et somme toute rassurant qui l'accompagne?
Pour en revenir aux seules images, l'industrie continue de promouvoir ses marques de multiples façons, même si -en France en théorie- la publicité et les promotions sont interdites.
Les chiffres révélés dans le rapport annuel que la Federal Trade Commission transmets chaque année au Congrès Américain sont (ont toujours été) hallucinants: si élevés qu'on a de la peine à imaginer ce qu'il représentent. Aux USA la publicité et les promotions ne sont pas interdites (elles sont un peu réglementées) et les fabricants doivent chaque année communiquer à l'administration (FTC) les budgets affectés aux différentes opérations de marketing.
Rien de tel n'existe pour l'Union Européenne mais les données américaines nous fournissent un ordre de grandeur: on peut imaginer que si les fabricants investissent tant outre-atlantique ils doivent investir des sommes comparables sur le vieux continent (et les îles britanniques).
Accrochez-vous:
http://www.ftc.gov/opa/2004/10/fyi0461.htm
En 2002 les investissements des 6 principaux fabricants ont représenté 12,4 milliards de dollars (11% de plus qu'en 2001). Un petit 74,2 millions ont été dépensés pour des campagnes pour dissuader les jeunes de fumer (soi-disant). A titre de comparaison, la campagne lancée par la Commission Européenne en 2005 a un budget de 72 millions d'Euros.
387 milliards de cigarettes ont été distribuées gratuitement. 63% des dépenses étaient en fait des rabais afin de diminuer le prix payé par le consommateur.
Ensuite plus d'un milliard de dollars ont été offerts aux débitants dans le cadre des primes pour bien placer le produit dans la boutique. 49 millions ont servi à distribuer des objets portant la mnarque d'un produit (casquettes, T shirts, etc...) et 174 pour des objets ne portant pas le nom de la marque (mais sans doute permettant de faire un lien avec une marque). 219 millions pour les animations dans les bars, les concerts sponsorisés, etc... 54 millions pour le parrainage sportif. Les publicités dans les magazines sont en baisse (106 millions), les quotidiens ayant reçu 25 millions. La publicité dans les points de vente représente 260 millions tandis que 111 millions correspondent à de la publicité par courrier. Pour finir, les compagnies assurent qu'elles n'ont pas versé un sou pour que leurs marques apparaissent à la télévision ou dans des films. On sait ce que l'on peut penser des serments des industriels du tabac, surtout que d'après les pointages effectués par des associations californiennes on fume à nouveau beaucoup dans les films.
Face à ce déferlement, que pèsent quelques petits dessins antitabac?
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