15 Février 1999
En mémoire de Richard.
Je viens d’apprendre le récent décès de Richard Gourlain.
Son enterrement a déjà eu lieu.
A des milliers de kilomètres je pense à Lucette, son épouse, à leurs enfants.
J’ai rencontré Richard et Lucette Gourlain parce qu’ils voulaient protester contre les pratiques de l’industrie du tabac.
Richard était un gros fumeur. Avant l’âge de quarante ans ses cigarettes lui avaient causé un cancer du poumon. La tumeur avait ensuite gagné sa bouche et on avait dû lui couper en partie la langue.
Sa maladie l’handicapait, notamment pour parler et pour manger. Il était très maigre.
Je l’ai toujours vu très courageux, digne, déterminé.
A ses côtés, Lucette tenait bon, dans des conditions morales et matérielles très difficiles.
Lorsqu’ils avaient décidé de porter plainte contre la Seita ils ne s’attendaient probablement pas aux attaques -souvent anonymes- qu’ils ont subies.
Sympathie et compassion ne sont pas spontanées envers les victimes du tabac qui se rebellent contre leur condition. On leur a bien fait savoir qu’ils n’avaient que ce qu’ils méritaient et qu’ils avaient bien du culot de prétendre que la Seita aussi avait une part -non négligeable- dans leur malheur.
Ils ont enduré les critiques et les sarcasmes.
Lucette a sollicité le Ministère de la santé, la Caisse Nationale d’Assurances Maladies pour qu’ils l’aident à faire de la prévention, à aller dans les écoles pour partager leur histoire, à expliquer aux enfants les dangers de la cigarette.
Elle n’a rien obtenu, personne ne l’a soutenue.
La plainte a continué son lent cheminement, encore ralenti par les tactiques procédurières de la Seita.
Richard a été s’affaiblissant.
Lucette a relancé les media, parce que Richard voulait porter témoignage.
Silence Radio, télé, journaux.
C’est dans ce silence qu’il est mort et a été enterré.
Il paraît qu’on va organiser des états généraux de la santé, que la lutte contre le tabagisme va devenir une priorité.
Je le croirais quand Lucette Gourlain sera en mesure d’aller dans les écoles, les collèges et les lycées, en mémoire de Richard.
Quand on pourra lire le journal qu’elle a tenu, quand les juges pourront dire si leur plainte était fondée, quand -je l’espère- la Seita sera reconnue coupable et condamnée.
Je voudrais pouvoir un jour me recueillir sur la tombe de Richard et lui chuchoter que toutes ces souffrances, tout ce malheur ne sont pas tombés dans l’oubli au delà du cercle de ceux qui l’ont connu et qui se souviennent.
J’imagine Richard heureux, avec son chien, en train de pêcher au bord d’un étang.
Pour Lucette, ses enfants, le chemin, la lutte continuent.
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