En lisant le blog de François Granger je découvre le témoignage de François Golleau publié dans Libération du 15 décembre. Je m'y reconnais beaucoup en tant que -comme lui- sans emploi rémunéré depuis presque deux ans.
Que faire? Pour en parler mais surtout pour trouver des solutions collectives au delà des efforts indiviudels pour s'en tirer dont combien réussissent?
Quelles revendications? Quelle organisation? Quelles actions?
Prenez garde à l'armée des précaires, courrier publié dans Libération
mercredi 15 décembre 2004 Autant le monde professionnel crée et
tisse des liens entre «travailleurs» dans le contexte d'une
reconnaissance sociale établie, autant ce «monde du silence» que
constitue la privation entraîne rapidement un isolement, facteur de
dépression, de sentiment d'inutilité, de perte d'identité et, en
définitive, d'absence totale d'estime de soi. Tous ces freins
interdisent inéluctablement de retrouver l'énergie, l'apparence, la
force de se positionner dignement en postulant à un emploi. Certes,
une prise en considération de ces besoins intervient à travers les
structures mises en place (ANPE et Assedic). Parfois, au hasard d'une
rencontre avec tel ou tel collaborateur de ces entités, une porte peut
s'entrouvrir. Mais leur mission, fondamentalement et inéluctablement au
vu de l'accroissement des demandes, demeure du domaine du «traitement
administratif» et non de l'accompagnement humain. Les recours
épuisés (je me suis engagé dans la «lutte» des reclassés pour éviter le
raccourcissement de la durée d'indemnisation), arrive une échéance
connue : celle où les «allocations» sont supprimées. Ce qui va être mon
cas début janvier. Je serai ainsi passé en l'espace de deux ans de
cadre en entreprise à probablement celui de SDF. Je n'ai pourtant
pas ménagé mes efforts : recherche d'emploi active (onéreuse au
demeurant, mais ceci était encore du domaine de l'acceptable me
concernant), stages de «remotivation», exploitation du tissu
relationnel. Mais il n'est pas exagéré d'écrire qu'un «chômeur» porte
en lui les stigmates d'une honte qui l'écartent bien souvent de toute
réelle opportunité. Je précise également que, toute dignité mise
à part, je ne refuse aucun travail «dégradant» ou jugé «non en rapport»
avec mes compétences professionnelles. J'ai 48 ans et me sens autant de
corps que d'esprit apte à apporter ma pierre à l'édifice commun. Mon
destin dans un mois, sauf événement favorable, sera définitivement
scellé vers la misère, la honte et la déchéance. Ces mots ne sont pas
gratuits. Mais ce destin en définitive n'a guère d'importance, sauf
pour moi (dernière trace d'égoïsme) et ma famille. Sauf s'il peut
aider à faire prendre conscience et surtout faire agir ceux et celles
qui, par le vote (dont bien sûr un grand nombre de chômeurs, citoyens
déclassés certes, mais citoyens égaux aux autres dans l'isoloir), ont
l'initiative (et non la responsabilité) de mener notre pays sur les
domaines économiques et sociaux, entre autres. Il ne faut pas
sous-estimer que créer ainsi une masse croissante de pauvres, de
démunis, de désillusionnés de la vie et de la société laisse peser une
menace immense et incontrôlable. Les précédents dans l'histoire ne
manquent pas. Bien sûr, cela pourra prendre au début une forme de refus
de la citoyenneté démocratique : peu de personnes voteront et les élus
n'auront aucune représentativité. Puis les élus auront une coloration
politique qui sera extrémiste. Et enfin, il n'y aura plus aucune
élection, ni de représentation populaire. Les armes, le chaos, la
violence, les dérives fascistes, s'affirmeront. A délaisser le plus
grand nombre, ce plus grand nombre, inéluctablement, prendra le
pouvoir. Il reste à espérer que la révolution ainsi alimentée
accouchera enfin d'une représentativité plus juste et humaine. Le pire
toutefois est à craindre. C'est pourquoi, mesdames et messieurs
qui nous gouvernez, à laisser «pourrir» des citoyens comme moi, jusqu'à
présent «socialisés», vous prenez le risque de détruire des décennies
de progrès sociaux simplement parce que le court terme aura prévalu
dans votre approche. Préoccupez-vous fondamentalement des plus
précaires. Les plus nantis s'en sortiront toujours et ils ne sont pas
systématiquement blâmables (qui n'aspire pas au bien-être, au confort,
à une bonne éducation, à des loisirs, à la culture... ?). Mais les plus
démunis, eux, auront ou la tentation du suicide (que disent les
statistiques sur les fins de vie volontaires dues au chômage ?), ou la
volonté de se battre. Nous vivons, je vis, un retour en arrière
formidable. Moi qui ai fait une école de commerce, ai travaillé, ai
payé en m'endettant ma contribution fiscale. Et j'ai peur. Pour moi,
pour notre pays, ses valeurs, son sens de l'intégration, de la culture.
François Golleau, Nîmeseci
ne constituera peut-être qu'un énième témoignage relatif à «la crise
économique et ses victimes». J'imagine qu'il ressemble à des milliers
d'autres, voire des millions. Mais une des particularités des
«demandeurs d'emploi» (et non suppliants d'emplois), réside dans leur
anonymat et leur solitude.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=261605
Pourquoi la vache?
J'ai trouvé l'image en surfant dans les liens autour de cet article (dans un blog très intéressant mais à présent suspendu consacré à Là Bas si j'y suis).
Je la trouve sympa et assez symbolique du grand troupeau des sans emploi et je ne pense pas du tout à la vache de façon péjorative et dérisoire car elle est très productive cette vache. C'est une productive qui a été mise au rencart et on voit dans son regard qu'elle n'en revient pas.
Qu'est-ce qu'elle peut faire?
L'abattoir?
Et ses petites? Quand elle en a?
No future pour la vache?
Rédigé par : philippe boucher | samedi 08 janvier 2005 à 09:56