Cet entretien avec Bill Dunster est accessible en format pdf sur le site de FEDARENE (Fédération Européenne des Agences Régionales de l'Energie et de l'Environnement). Il a été publié dans le numéro 33 de leur lettre d'information (p.4). Je l'ai transcrit sur le blog parce que je le trouvais intéressant et afin d'en rendre l'accès et la lecture plus faciles :)
L'image est une photo de Hope House (sa maison, construite en 1995). Son projet le plus récent est Ruralzed (une maison préfabriquée à zéro émission).
BedZed = Beddington Zero Energy Development
En tant qu'architecte, quelle est votre définition de l'éco-construction?
Nous avons mis au point, au fil des années, notre propre liste de contrôle garantissant les ZEDstandards (normes ZED). Elle tente de prendre en compte également l'influence de la construction et du masterplanning (plan de masse) sur l'impact environnemental lié à l'alimentation et aux déplacements.
Nous utilisons aujourd'hui encore le "ZEDwheel diagram" (diagramme en secteurs circulaires) que nous avons exploité dans le cadre de la conception du projet BedZED il y a dix ans. Tous nos projets ont pour vocation d'atteindre l'objectif du zéro émission de carbone par le biais de la planification des éco-quartiers.
Comment avez-vous commencé à vous investir dans l'éco-construction?
Tout d'abord, j'ai conçu une maquette d'une maison solaire lors de ma deuxième année à l'université en 1979.
A cette époque, la décoration de sur-
face et le postmodernisme étaient particulièrement à la mode avec Charles Jenks, Robert
Venturi et Charles Moore célébrés tels des stars
naissantes.
J'ai évidemment pris conscience des problèmes du début des années 70 [Club de Rome, Halte à la croissance, choc pétrolier, surpopulation] qui avaient été repoussés sans que personne n'ait véritablement apporté de réponses.
Je demeure convaincu aujourd'hui que nous n'avons réalisé que peu de progrès en ce qui concerne de tels sujets de réflexion.
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager en faveur de l'éco-construction?
Une nouvelle décennie de libéralisme à outrance dans le Royaume-Uni, ainsi que la dérégulation du marché décidée par Margaret Thatcher et financée par les revenus du pétrole de la Mer du Nord, ont tout d'abord compliqué la tâche consistant à trouver des clients désireux d'adopter un programme moins ambitieux en matière d'impact environnemental.
En outre, ces deux phénomènes ont suscité un sentiment de détermination dans le but de trouver des solutions viables visant à réduire la consommation d'énergie pour un pays vraiment surpeuplé.
Ces solutions permettront de ne pas être pris de court en cas d'épuisement des gisements de pétrole et de gaz naturel. Ce qui est quasiment le cas aujourd'hui.
Comment mettez-vous en pratique ce concept dans vos projets? Quel type de technologies spécifiques présentez-vous?
Nous pensons qu'il est très important de réaliser des concepts basés sur des technologies de microgénération intégrées à la construction, qui exploitent des systèmes d'énergies renouvelables.
Au Royaume-Uni, seulement 15% de la demande d'électricité actuelle pourrait déjà provenir de l'énergie éolienne offshore. Cela signifie qu'il existera toujours une pénurie récurrente en matière de possibilités de production d'énergies renouvelables en raison de l'approvisionnement limité en réserves d'énergies renouvelables au niveau national.
Ces réserves sont nécessaires au fonctionnement des services de collectivité et à l'alimentation des constructions actuelles inefficaces. La réduction de la demande d'énergie pour tous les nouveaux bâtiments est un enjeu qui revêt une importance capitale.
Cette réduction doit atteindre un niveau susceptible d'être satisfait par les énergies renouvelables sur site, tout en limitant la consommation des réserves nationales à 250 kg bruts de biomasse pour moins de 50 habitations/ha, ainsi qu'à 500 kg bruts de biomasse au-delà de cette densité.
Il s'agit de la réserve maximale de biomasse disponible sans occasionner de perte de terrain utilisé pour la production alimentaire. Nous savons que ces chiffres sont réalisables, car nous sommes à présent parvenus à atteindre cet objectif avec notre propre habitation.
Nous sommes très consciencieux en ce qui concerne les technologies, car nous pensons qu'une stratégie de réduction de charge énergétique efficace passive, comprenant une étape de tests préparatoires visant à ajouter des technologies efficaces, est plus importante que des gadgets accessoires.
Nous essayons avant tout d'économiser l'électricité puisqu'il s'agit de l'énergie renouvelable la plus difficile à générer. Nous évitons d'exploiter des pompes à chaleur, car elles doublent la consommation électrique, ce qui rend la neutralité carbone au sein d'un site impossible pour la plupart des densités urbaines.
Nous possédons des systèmes de ventilation passive et dotées d'un système de récupération de chaleur [aucun ventilateur électrique n’est présent]. En outre, nous disposons de deux chaînages en acier inoxydable pour mur creux avec isolation thermique optimale, des fenêtres économes à triple vitrage, des robinets avec brise-jets et des douches.
Nous concevons ensuite les constructions afin d'optimiser la lumière du jour, la ventilation passive, les micro-éoliennes, l'apport solaire passif, le refroidissement estival, la production d'électricité solaire, ainsi que les capteurs solaires thermiques associés aux chaudières automatisées à biomasse.
Cette stratégie représente la manière la plus économique de réaliser l'objectif de neutralité carbone pour moins de 50 habitations/ha.
Au-delà de cette densité, nous exploitons des centrales de cogénération à biomasse souvent combinées avec une réfrigération par absorption (trigénération) pour les étés plus chauds dans les centres-villes.
Est-il possible de concilier éco-construction et confort?
Tout à fait. Je suis convaincu que l'on peut réduire les empreintes carbone de façon échelonnée tout en atteignant un niveau de qualité de vie globale élevé. Le confort thermique ne représente qu'une partie de ce que l'on entend par qualité de vie.
Il est bien plus agréable de manger des produits biologiques régionaux, de ne plus être touché par des maladies respiratoires telles que l'asthme, de ne plus prendre des transports en commun bondés pour aller au travail ou à d'autres fins, et de profiter du soleil dans son salon en chassant ainsi le syndrome TAS (trouble affectif saisonnier) pendant l'hiver.
Toutefois, le monde tel que nous le connaissons risque de disparaître lorsque l'Extrême-Orient découvrira la climatisation. Les pompes à chaleur et la climatisation représentent 70% de la charge électrique de Shanghai.
Les centrales électriques au charbon sont construites afin de préserver la fraîcheur des villes. Plus on utilise de systèmes de climatisation, plus l'air chaud se répand dans les rues et plus les unités de climatisation sont nécessaires afin de maintenir des conditions de vie agréables à l'intérieur des constructions.
Nous pensons que la Chine est l'un des principaux chantiers en matière de changement climatique et que le développement de stratégies de refroidissement à énergie solaire constitue l'un de nos projets prioritaires.
Quels sont les principaux obstacles auxquels vous êtes confronté dans votre travail?
En ce moment, les obstacles les plus importants sont les grands propriétaires de terrains dans le Royaume-Uni, qu'ils soient publics ou privés. Ils font fausse route en considérant l'ajout de systèmes perfectionnés de production d'énergie à haut rendement énergétique comme une hausse potentielle de leurs coûts de construction.
Cette augmentation des coûts est directement déduite du compte bancaire. Les propriétaires réagissent logiquement en faisant pression sur le gouvernement pour qu'il baisse le prix des énergies renou velables et choisisse l'énergie nucléaire dès que possible afin de diminuer les objectifs en matière d'énergies renouvelables dans les villes.
Pourquoi l'éco-construction ne rencontre-t- elle pas davantage de succès? Cette situation est-elle due au manque de connaissance concernant le potentiel des technologies innovantes en matière d'éco-construction ou bien aux coûts supplémentaires éventuels?
Les coûts engendrés constituent la principale raison. C'est un cercle vicieux classique. Les calculs du projet à zéro émission de carbone engendrent plus de coûts, car il s'agit toujours d'un prototype.
Si davantage de constructions étaient soumises à ces critères écologiques élevés, les coûts diminueraient alors de manière spectaculaire. L'éco-construction coûte plus cher uniquement parce que personne ne construit de cette façon.
D'après vous, quelles sont les mesures à adopter afin d'ouvrir le marché de l'éco-construction?
Chaque pays européen doit assurer un objectif minimum de 2 500 ZED/maisons passives/lieux de travail/an. Cela permettrait de réaliser très rapidement de plus en plus d'économies, ce qui éliminerait tout aussi rapidement toute barrière liée aux coûts supplémentaires.
Il serait également utile de reconnaître que les réserves en uranium à des volumes d'extraction raisonnables s'épuiseront d'ici quinze années, marquées par un renouveau de l'énergie nucléaire à l'échelle internationale.
Cela signifie que le besoin en CO 2 pour construire et exploiter une centrale nucléaire risque de ne jamais être compensé et qu'aucun des réacteurs surrégénérateurs n'est parvenu en fait à régénérer. ..
INTERVIEW © Debra Hurford Brown
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