Depuis plusieurs années, British American Tobacco (BAT) et Philip Morris International (PMI) multiplient les accords de partenariat avec les services des douanes de plusieurs pays africains (Ghana, Nigéria, Togo…).
Ces accords se sont multipliés et diversifiés en 2008 : la BAT a signé plus de 10 accords avec les pays de l’Afrique de l’Ouest.
Entre autres, le 03 0ctobre dernier, la BAT a signé un accord de partenariat avec les services des douanes du Bénin.
Aux termes de ce protocole d’accord, la BAT s’est engagée à fournir à l’administration douanière « toutes les informations en sa possession relatives au trafic illicite des produits du Tabac sur le territoire du Bénin».
Cet accord porte également sur des actions de coopération technique, notamment une formation dispensée par BAT au profit des services douaniers. La BAT a signé le même genre d’accord avec les services de douanes du Mali le 28 Août 2008.
En mai 2007, la BAT et PMI ont signé cinq accords en matière de lutte contre la contrefaçon et le commerce illicite des produits du tabac avec les services de douanes de l’Algérie.
D’après cet accord, les actions de coopération portent sur une formation dispensée par ces deux industries du tabac au profit des services de douanes algériens, afin de leur donner les capacités techniques de distinguer les produits authentiques fabriqués des matériaux contrefaits.
Par ailleurs, BAT et PMI ont appuyé l’administration algérienne à la mise en place d’une sous-direction centrale chargée de lutter contre la contrefaçon.
Ces industries ont également permis l’acquisition de moyens sophistiqués de détection des produits contrefaits et la création d’un programme de formation des douaniers.
La question qui se pose est de savoir pourquoi la BAT et PMI manifestent un tel engouement pour l’Afrique et ce que cachent de tels accords de partenariat ?
Selon les parties contractantes de ces partenariats, de tels accords auraient pour but de « lutter contre la contrebande et la contrefaçon des produits du tabac dans les pays bénéficiaires. » Mais une analyse approfondie de tels accords révèle des intentions cachées de l’industrie du tabac, suscitant de vives inquiétudes.
En effet, selon les règles du droit des sociétés en vigueur, toute entreprise privée comme BAT ou PMI a pour but de « partager des bénéfices » ou de « réaliser des économies » résultant de leurs activités.
Ainsi, loin de promouvoir des actes bénévoles ou gratuits, de tels accords seraient de véritables manifestes de l’ingérence prégnante de l’Industrie du tabac auprès des personnalités politiques africaines.
De tels accords risquent de compromettre les objectifs de l’article 5. 3 de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) selon lequel « En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale ».
En raison du vieil adage « qui accepte un cadeau perd sa liberté », nous estimons qu’en acceptant « ces cadeaux empoisonnés », les gouvernements africains « vendent » leur liberté de prendre des mesures adéquates pour lutter contre le tabagisme dans leur pays respectif, et risquent donc de compromettre l’application de certaines directives de la CCLAT (notamment celles de l’article 5.3).
Nous invitons donc les gouvernements africains participants à la COP3 à Durban d’exiger l’élaboration de directives très fortes pour la mise en œuvre de l’article 5.3 de la CCLAT afin de contrecarrer les actions de l’industrie dans nos pays.
Dès leur retour d’Afrique du Sud, nos délégués se doivent d’être les porte-paroles auprès des autorités politiques en vue de l’élimination totale des interférences de l’industrie du tabac dans les politiques se santé publique et de contrôle du tabac en Afrique.
Fabrice Kodjo Ebeh PhD
Spécialiste du droit international de
l’environnement, enseignant à la Faculté de
Droit de l’Université de Lomé et Coordinateur
du réseau ANCE-Tog
Comments