Au cours de ces dernières années, en Algérie, les estimations concernant la prévalence de l’épidémie tabagique indiquent des chiffres avoisinant ceux de l’Europe (prévalence supé- rieure à 20%), et une évolution particulièrement préoccupante chez les moins de quatorze ans (cf Prs. Hamdi-Chérif, Zoughileche, Skander, Razkallah).
La situation algérienne est ainsi comparable a celle de nombreux pays émergeants et se distingue des pays ayant mis en œuvre et appliqué des politiques efficaces de lutte contre le tabagisme.
Comment expliquer cette situation, alors qu’il existe des instruments législatifs et réglementaires de lutte contre le tabagisme et contre le commerce illicite du tabac ainsi que des structures qui leur sont dédiées?
ARSENAL JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE:
Depuis les années quatre-vingts, l’arsenal juridique et réglementaire mis en place en la matière est très important.
Une première loi a été adoptée en 1985, suivie de nombreuses autres. Elles prévoient des dispositions concernant les interdictions de fumer dans les lieux publics, la réglementation de la fabrication, de la distribution et des conditions d’importation des produits de tabac, des mesures fiscales augmentant les prix et instaurant une taxe additionnelle, initialement dédiée au contrôle du tabac.
Par ailleurs, l’œuvre de sensibilisation en direction des populations et des décideurs, réalisée notamment par des associations et des personnalités de la société civile, relayée par les médias nationaux, a puissamment contribué à la ratification de la Convention Cadre de Lutte Anti Tabac (CCLAT) le 30 juin 2006.
Ceci permet à l’Algérie de disposer d’un fabuleux outil pour lutter contre ce fléau qu’est le tabagisme.
Au niveau administratif (Ministère de la Santé), il existe depuis plusieurs années une structure qui n’est malheureusement que consultative : le Comité National Médical de Lutte contre le Tabac.
La société civile n’y est pour le moment pas représentée.
La mission de ce comité est d’orienter la lutte contre le tabac. Dès ses débuts, il a adopté pour la période 2004-2006 un plan d’action contre le tabagisme avec pour objectif une réduction de 5% de la prévalence du tabagisme dans la population générale, et d’au moins 10% chez les jeunes (actuellement supérieure à 20%) tout en assurant la protection des non fumeurs…
Mais parallèlement à ces mesures et parfois en contradiction avec les articles de la CCLAT, on a assisté au cours de ces dernières années, à la mise en place de mesures visant à encourager la culture du tabac, à ouvrir le marché national et à permettre l’installation de la British American Tobacco (BAT) en Algérie.
Cette dernière étant par elle-même un vrai poison a déjà bénéficié de publicité indirecte dans les médias nationaux en contractant récemment un accord avec les Douanes algériennes.
Cet accord est censé prévoir une coopération dans le domaine de la lutte contre le commerce illicite, alors que l’histoire nous enseigne que la BAT est à l’origine de réseaux de contrebande.
Mais alors quelles solutions pourraient rendre ces dispositions de santé opérationnelles ? Ces mesures dont connues et ont déjà fait leurs preuves.
• S’agissant de la politique fiscale, particulièrement efficace pour réduire la consommation, l’Algérie pourrait multiplier par cinq le prix actuel du tabac afin de se mettre en conformité avec les recommandations en la matière.
• Pour le problème du commerce illicite des produits du tabac, les considérations géographiques ne doivent pas occulter le fait que l’on peut déjà faire beaucoup en renforçant le contrôle des points de vente légaux, la lutte contre les circuits informels et la fermeture des points de ventes non autorisés … autant d’actions relevant directe ment de la responsabilité de l’Etat.
• Quant à la lutte contre le tabagisme passif et la prévention, le phénomène de dénormalisation du tabac passe obligatoirement par l’engagement de la société civile.
Les associations en Algérie sont particulièrement actives et il importe qu’elles soient dotées des moyens suffisants, à la hauteur des enjeux.
Raison pour laquelle une partie de la taxe spécifique prélevée sur la commercialisation du tabac actuellement détournée vers un « fonds pour les urgences et les activités de soins médicaux » doit leur être réaffectée pour qu’elles puissent mener à bien leurs missions.
Pour cela il est nécessaire d’impliquer loyalement les associations de la société civile dans toutes les stratégies de lutte contre ce fléau qu’est le tabagisme.
CONCLUSION:
Appliquer l’ensemble des dispositions de la CCLAT sur la base des meilleures pratiques en s’appuyant sur la société civile constitue aujourd’hui la stratégie la plus efficace de lutte contre le tabagisme en Algérie, et ce d’autant plus que nous disposons déjà d’outils législatifs de premiers choix, et qu’il existe une vraie dynamique sociale en vue d’enrayer ce fléau en Algérie.
Dr AMEUR Soltane
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