Avec son exposition intitulée Millefiori, Véronique Le Clézio vous
fera certes voir de toutes les couleurs.
L’artiste dépose sur la
toile des fleurs étincelantes pour créer un monde féerique…
À voir.
Des milliards de fleurs de toutes les couleurs vous attendent du 18 au 21 avril à la galerie du Moulin Cassé, à Péreybère. Un événement artistique à ne manquer sous aucun prétexte aura lieu, cette semaine, avec la tenue, à la galerie du Moulin Cassé, à Peyrébère, du 18 au 21 avril, de 10 heures à 18 heures, de l’exposition Millefiori de Véronique Le Clézio.
Ce caractère événementiel est nullement exagéré quand on sait que
ceux, qui auront la chance et le privilège de pouvoir se rendre sur
place, auront l’occasion inespérée de voir des peintures, offrant
un éblouissement exceptionnel et peut-être sans précédent dans le
panorama de la peinture mauricienne.
Millefiori, fleurs de toutes les couleurs, festival de couleurs, feux
d’artifice pictural, couleurs torrentielles, débauche ou symphonie
chromatique, coloration débridée, chromatisme orgiaque, surabondance
colorée, déluge de couleurs… chacun ira de sa hyperbole, la plus
imaginative, pour tenter de définir, sinon la peinture de Véronique
Le Clézio de l’inoubliable millésime 2008, du moins les émotions
artistiques qu’elle suscite en nous.
Il est indéniable qu’elle nous fait voir de toutes les couleurs.
Pour ma part, je me contente, en toute humilité, de soutenir la thèse
que Jésus Christ a d’abord vu les Millefiori de Véronique Le Clézio
avant d’échafauder sa théorie à l’effet que même le roi Salomon,
dans toute sa gloire, n’était pas aussi splendidement vêtu que les
lis des champs.
Véronique Le Clézio choisit pourtant de peindre les déserts de l’Afrique
australe. Les dunes de sable n’ont rien de particulièrement folichon.
Des dunes et des dunes à perte de vue. Encore qu’elle nous laisse
le souvenir inoubliable de montagnes aux teintes nacrées qui avaient,
à l’époque, suscité, chez ses admirateurs, des transports intérieurs,
comparables à ceux qu’occasionneront ses Millefiori.
Jardins fleuris s’étendant à perte de vue
Véronique l’inspirée choisit de se rendre sur place, dans ces déserts
africains particulièrement inhospitaliers, à un moment exceptionnel,
pouvant ne pas survenir pendant plusieurs années consécutives. Ce
moment tant attendu est connu sous l’appellation de lendemains de
pluies torrentielles, après de longues périodes de sécheresse.
Ici, à Maurice, pays de râleurs et d’éternels insatisfaits, les
lendemains de pluies torrentielles s’accompagnent d’une levée de
boucliers tous azimuts contre la météo trop « lalo » pour gérer
correctement les pluies de Lola qui coule à profusion, contre Gokhool
(à pic), contre Navin (pas), contre drains bouchés, contre rations
et allocations données aux uns et refusées aux autres, etc.
Rien d’aussi anarchique ni de malveillant dans les déserts africains.
Il y a toute une faune et une flore qui hibernent patiemment sous terre,
à l’abri des funestes morsures d’un soleil particulièrement meurtrier.
Elles ne vivent plus mais survivent seulement, économisant leur dernier
souffle. Viennent les premières gouttes de pluie et cette eau providentielle
redonne vie à cette faune et flore endormies.
À toute vitesse, elles doivent rattraper toute la vigueur perdue par
ces longs mois d’hibernation, même pas végétative, quasi minéralisée,
non seulement pour retrouver leur vivacité perdue, mais encore pour
s’épanouir, procréer, et prendre de nouvelles forces pour pouvoir
supporter, sans pertes ni fracas, la prochaine sécheresse-hibernation,
pouvant durer jusqu’aux prochaines calendes grecques.
Ces déserts africains qu’on imagine volontiers sans vie ni couleur,
se transforment alors, en l’espace de la pensée, en des jardins fleuris
mais s’étendant à perte de vue et auprès desquels les plus beaux
jardins anglais font figure de fleur fanée sur un chapeau royal.
Phénomène naturel merveilleux
Ce sont ces milliards de fleurs de toutes les couleurs, les unes plus
étincelantes que les autres, que Véronique Le Clézio transpose, avec
un rare bonheur, sur ses toiles, pour nous permettre de vibrer à notre
tour, devant ce phénomène naturel aussi merveilleux que féerique.
Comment réussit-elle une telle prouesse ? se demanderont les admirateurs
de sa peinture jamais autant inspirée, admirateurs dont le nombre devra
exploser pour devenir aussi considérable que les fleurs sur chacune
de ses toiles fleuries.
Untel louera sa patience à recréer sur toile chaque fleur d’une
mosaïque aussi fleurie que colorée. Untel s’extasiera devant son
sens inné de la couleur, quand elle devient heureusement envahissante,
au point de revêtir de pourpre les hauteurs montagneuses, se perdant
dans l’infini céleste d’un bleu transcendant.
Je me permets humblement, d’avancer une hypothèse différente, valant,
bien sûr, ce qu’elle vaut. Véronique voit passer quelqu’un devant
être crucifié. N’écoutant que son courage essentiellement féminin,
elle prend une de ses toiles vierges, essuie son visage couvert de sang,
de sueur, d’angoisse humaine, de sentiments d’abandon et d’incompréhensions,
d’échecs même aux yeux des hommes. Et il en sort une de ses Millefiori.
Un lieu de prières, particulièrement inspiré, pourrait acquérir
une quinzaine de ses Millefiori et les exposer, à la foi des fidèles,
les unes à côté des autres, à la manière d’un chemin, non de
croix, mais de Résurrection.
Facile, maugréeront esprits chagrins et langues venimeuses. N’importe
qui, ayant la chance de visiter les déserts sud-africains, en ces jours
bénis de re-création, pourraient en faire autant. Il en faut davantage
pour désarmer Véronique Le Clézio. Elle les prend par la main, et
nous avec, et nous emmène dans les bidonvilles sud-africains et nous
prouve qu’elle est en mesure de réussir là le même miracle.
Là où nous voyons une étendue désertique, elle voit un jardin infiniment
fleuri. Là où nous voyons le misérabilisme le plus sous-prolétaire
qui soit, dans des bidonvilles où s’entasse une sous-humanité désespérée,
dans l’inconfort et le manque d’hygiène que l’on peut deviner,
elle voit les efforts colorés d’humbles gens, continuant à espérer
contre toute désespérance. Leçon de vie aussi belle et encore plus
exaltante que le miracle de la re-création en plein désert après,
toute pluie source de vie.
La facture picturale bidonville diffère, bien sûr, de celle des Millefiori.
Là les taches de couleurs sont reines. Ici, c’est le jeu des rectangles,
des diagonales, des surfaces multicolores, la juxtaposition, des taches
de couleur, leur superposition qui inspirent le pinceau fougueux de
Véronique Le Clézio. Là où le démagogue voit une misère humaine
à exploiter pour river le clou à ses détracteurs, elle voit l’Homme,
mais surtout la Femme qui refusent qu’on les avilisse davantage.
Des toiles irradiantes de bonté
Quand je vous disais que Véronique voit une Humanité qu’on s’amuse
à crucifier. Elle prend une de ses toiles et essuie le visage en larmes
de cette Humanité en marche vers son Golgotha. Il en sort une de ses
toiles irradiantes de bonté, mais aussi de beauté. Heureux ceux qui
acquerront l’une ou l’autre de ses Millefiori.
Nombreux seront leurs invités qui leur envieront de posséder, chez
eux, l’illustration inspirée de ce mystère de mort et de Résurrection.
Des toiles aussi inspirées peuvent convertir un mécréant, sinon révéler
la profonde foi intérieure de quelqu’un se croyant, à tort, incroyant
mais possédant, en fait, une foi mais surtout un amour fraternel à
déplacer les montagnes, à refleurir les déserts et à humaniser nos
bidonvilles et même nos villas IRS.
L'Express Dimanche
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