Michel de Pracontal du Nouvel Obs (auteur du fumeux La guerre du tabac) donne la parole à Robert Molimard (qui l'a jadis aidé à arreter de fumer). Molimard n'a pas tort sur tout mais il a n'a pas non plus raison quand il stigmatise les hausses de prix, se fiche du tabagisme passif et des non-fumeurs, ne voit le processus d'arret que long et difficile à travers les gens qu'il traite dans ses consultations.
Combien de fumeurs arretent grace aux consultations de "tabacologie"?
Combien vont arreter ou reduire leur consommation parce qu'ils ne pourront plus fumer (et enfumer) sur leur lieu de travail et dans les autres lieux publics?
Dommage que son discours reste figé sur des analyses fausses alors que son souci des fumeurs "pauvres" est tout a fait fondé et que c'est vrai qu'ils sont largement ignorés (sauf pour les taxes bien entendu).
Semaine du jeudi 12 octobre 2006 - n°2188 - Notre époque
Robert Molimard, médecin et tabacologue :
« Les rats sont accros à l'héroïne et à la morphine, pas à la nicotine ! »
La politique antitabac? Elle me fait penser à un tableau du xvi siècle de Palma il Giovane qui représente le doge en grand costume d'apparat, entouré de notables, implorant le Christ de faire cesser la peste à Venise! Cinq siècles plus tard, on en est là : la lutte contre le tabagisme relève de l'imploration, de la gesticulation. Depuis trente ans, on aurait dû observer une réduction des ventes de 20%. On en est loin. Cette année, la consommation repart à la hausse!»
A 78 ans, le professeur Robert Molimard est toujours un jeune homme en colère. Depuis des dizaines d'années, il répète qu'on ne viendra pas à bout du tabagisme sans comprendre ses mécanismes.
Ancien chef du service de médecine interne à l'hôpital de Nanterre, fondateur de la Société française de Tabacologie, il a été l'un des premiers clinicienschercheurs à étudier « la fume » - néologisme qu'il a forgé pour désigner l'acte de fumer (1).
«On a vaincu la peste, grâce à la recherche scientifique, quand on a découvert le rôle du rat et de la puce puis quand on a identifié le bacille, dit M. Molimard. Mais il n'y a pas de recherche sur le tabac! Personne n'en veut. Ni les pouvoirs publics, peu pressés de perdre les milliards de recettes du tabac, ni l'industrie pharmaceutique, qui cherche d'abord à vendre ses produits.»
Robert
Molimard sait de quoi il parle. L'herbe à Nicot, il est tombé dedans
quand il était petit : ses parents travaillaient dans une fabrique de
tabac à Clermont-Ferrand. Enfant, il récupérait dans les tonneaux les
restes inutilisés pour fabriquer des cigarettes maison destinées à un
oncle rescapé de la guerre de 1914, pendant laquelle il avait été gazé,
et qui finit par mourir d'un cancer du poumon, tandis que son neveu
allait devenir médecin... et fumeur.
Avant de s'affranchir de sa
dépendance. Contrairement à la plupart des spécialistes du sevrage
tabagique, Robert Molimard connaît lui-même la fume.
« J'ai fumé mes premières cigarettes vers 12ans, en gardant les vaches, et j'ai arrêté le jour de mon 33eanniversaire,
en 1960. L'arrêt du tabac est un long processus, cela ne se réduit
certainement pas à la nicotine. Pendant des années, dans mon labo, j'ai
essayé d'apprendre à des rats à appuyer sur une pédale pour avoir une
dose de nicotine. Avec l'héroïne ou la morphine, les rats deviennent
très vite accros. Jamais avec la nicotine. Personne ne se shoote à la
nicotine pure! Pourtant ça ne coûte que 350euros le litre. Imaginez que
l'héroïne pure soit à 35centimes le gramme!»
Aujourd'hui, un petit
nombre de scientifiques ont pris au sérieux l'idée que la nicotine ne
suffit pas : l'équipe de Jean-Pol Tassin, au Collège de France, et
celle de Louis Stinus, à l'université de Bordeaux, mènent des
recherches dont les premiers résultats confirment l'idée de Molimard.
Il faudra d'autres études pour comprendre le mécanisme complet du lien
entre le fumeur et la cigarette.
Une certitude : ni les injonctions préventives ni les augmentations de prix ne suffiront à vaincre la dépendance.
«Je suis férocement contre les hausses des prix, dit Robert Molimard. Elles ont pour principal effet de faire augmenter la contrebande. Une enquête d'une de mes étudiantes à Limoges montre que la moitié des consultants fument des cigarettes de contrebande. Les hausses ont un effet dévastateur sur les populations défavorisées. Prenez un ménage au seuil de pauvreté, soit 1135euros par mois. Si les deux fument chacun un paquet par jour, à 5euros le paquet, on est à 3650euros par an, soit trois mois de revenus! Les gens ne s'arrêteront pas de fumer, ils se retrouveront à la rue.»
Alors le problème est-il insoluble ? Non, estime Molimard, mais il faut cesser de brandir de fausses solutions qui ne changent rien au fond. «On est arrivé à un degré excessif de stigmatisation du fumeur, dit notre chercheur.
Selon un récent rapport européen, le tabagisme passif serait responsable de 5863morts annuelles en France. C'est déjà fort de café de donner le bilan au mort près s'agissant d'estimations statistiques, mais tenez-vous bien : sur ces 5863décès, 1114 sont des non-fumeurs! Autrement dit, les 4749autres seraient... des fumeurs victimes de leur propre tabagisme passif. On croit rêver.»
Et si on commençait par cesser
de terroriser le fumeur ? «Je ne suis pas antitabac, je suis anticancer,
anti-infarctus, antibronchite chronique, antipauvreté, dit M. Molimard. J'ai
introduit le terme de «défumer», je voudrais qu'on supprime l'idée d'arrêt du
tabac, que le fumeur ressent comme un arrêt de mort.
Un enfant abandonne son
doudou quand il n'en a plus besoin, parce que son psychisme s'est reconstruit.
Pour lâcher la cigarette, il faut défaire tous les liens que l'on a établis avec
la cigarette, ce qui nécessite une véritable reconstruction de la personnalité.
C'est long et difficile, mais c'est possible.»
(1) « La Fume.
Smoking », de Robert Molimard, Editions Sides.
Michel de Pracontal
Le professeur Molimard s'est fait éjecter de la présidence de la Société Française de Tabacologie pour propos inconvenants. Il a été remplacé par un pharmacologue : comme cela on court moins le risque d'une remise en cause du dogme consistant à affirmer que les palliatifs nicotiniques augmentent les chances de succès d'un sevrage... L'affaire est bien verrouillée; les recherches de Molimard, comme il l'indique dans son ouvrage n'ont pas passé la censure du comité de lecture. La médecine, aux mains de l'industrie du médicament, ne saurait tolérer cela. Molimard est comme un 'excommunié' : marginalisé par ses pairs financés en sous-main, trop pur, un vrai chercheur libre. Ceci est courageux.
Si vous lisez 'La fume' vous y trouverez plein de vérités qui fâchent, et notamment que ce ne serait pas la nicotine qui rend dépendant. Elle doit jouer un rôle, mais alors pourquoi il n'y a pas apparition de tolérance (=accoutumance) quand on se colle des timbres sur la fesse ? Cette hypothèse est invalidée. Des milliers de travaux scientifiques le disent : on en parle pas, c'est 'tabou'.
"Je voudrais qu'on supprime l'idée d'arrêt du tabac, que le fumeur ressent comme un arrêt de mort." dit-il à de Pracontal. Evidemment, mais là aussi cela revient à dynamiter tout le savant et fumeux discours loghorréique des autorités de santé, qui s'acharnent depuis des décennies à faire peur. Ca ne marche pas : les gens qui soutiennent ces opérations sont des incompétents ! Ainsi Altria (Philip Morris, fabricant des Marlboro) insère des dépliants à l'intérieur de ses paquets pour alerter sur les dangers du tabagisme pour les jeunes : ces avertissements culpabilisants doivent aider à vendre, sinon ils ne le feraient pas.
Une paire de chercheurs en psychosociologie de Génève, dont J.M. Falomir-Pichastor, a publié un ouvrrage en 2004 : Société contre fumeur - De l'influence psychosociale des experts (Grenoble, PUG, 2004). Il y est montré que les les discours sanitaires ont un effet inverse à celui recherché : ils braquent le fumeur dans sa résistance, résistance paradoxale si on l'analyse avec attention. On pense benoîtement qu'un propos rationnel peut attaquer un paradoxe : on se trompe encore. Un minimum de compétences en psychologie suffit à le savoir. L'homme n'obéit pas qu'à des lois biologiques, il possède un inconscient. La médecine serait avisée d'en prendre acte et de laisser ceux qui cherchent - et parfois trouvent - dans ce domaine, oeuvrer pour le progrès. Mais non : ce qui n'est pas biologique n'est pas validable par les expérimentations biomédicales, donc cela n'existe pas pour un scientifique, ... officiellement.
J'éprouve de l'estime et de l'admiration pour le Professeur Molimard : dans quelques années on l'encensera. Lisez son ouvrage, en vente dans les bonnes librairies, le seul ouvrage commis par un médecin qui vaille la peine d'être ouvert par un fumeur en quête de solution pour en sortir une bonne fois pour toutes. Les autres, pub des VRP du patch et autres perlimpinpins, sont des âneries sans une once de connaissance de l'homme et de sa psychologie. Cessons de gober les dires d'incompétents notoires aux oeillères étroites.
Rédigé par : Account Deleted | dimanche 15 octobre 2006 à 12:28