Un article de Michel Mpandi sur cette Première conférence Africaine Tabac ou Santé.
La première conférence Afrique
Tabac ou Santé s'est tenue du 4 au 11 décembre 2006 à Casablanca au
Maroc organisée par l'Association Marocaine de Prévention et Education
pour la Santé (AMAPES) présidée par le Professeur Mohamed Bartal. C'est
dommage que l'Afrique noire ait été si peu représentée car ce congrès a
mis en lumière les ravages de la pandémie de tabagisme sur notre
continent déjà affaibli par la famine et les maladies infectieuses.
La consommation du tabac est en chute libre dans les pays occidentaux
grâce aux politiques de lutte anti tabac et aux nombreux procès contre
les méfaits du tabac et l'interdiction de la publicité mensongère des
cigarettiers.
Les cigarettiers se tournent alors vers les marchés émergents des pays
où les gouvernants privilégient le versant économique trompeur de
l'industrie du tabac, et où la législation anti-tabac est inefficace
voire inexistante. L'industrie du tabac pratique un marketing très
agressif en Afrique et en Asie. Conséquence, augmentation constante du
nombre de fumeurs et de très juteux profits pour ces firmes. Selon une
publication récente, la consommation de tabac en Afrique a presque
doublé en 5 ans passant 131181 millions d'unités consommées par an en
1995 à 212788 millions d'unités en 2000 (Townsend et al., Drug and
Alcohol Dependence 2006 ; 84 :14-27).
Le tabac est une des principales causes de morbidité et
mortalité dans le monde Selon l'Organisation mondiale de la Santé, le
tabagisme provoque un décès toutes les 6,5 secondes. La fumée de
cigarette renferme près de 4000 substances dont une cinquantaine sont
cancérigènes. La nicotine est le principal composant responsable de la
dépendance tabagique à travers son action au niveau des récepteurs
nicotiniques du cerveau. La stratégie des cigarettiers est de formuler
les cigarettes de façon à obtenir une absorption maximale de la
nicotine dans le sang et provoquer plus de dépendance. Ce sont de
véritables marchands de nicotine qui n'hésitent d'ailleurs pas à
aromatiser les cigarettes pour appâter les jeunes et recruter des
scientifiques de hauts niveau pour publier des études de complaisance
niant l'extrême dangerosité du tabac. L'industrie du tabac a aussi
adopté une politique d'infiltration du monde politique et économique (1
; 2).
Les milliers de substances libérées dans la fumée de cigarette sont
inhalées directement par le fumeur et passivement par ceux qui sont
exposés à la fumée. Ainsi, les cancérigènes diffusent dans tout
l'organisme ce qui explique que les cancers liés au tabac touchent
quasiment tous les organes. Il est clairement établi que le fumeur
s'expose 20 fois plus à un cancer de poumon. Les autres formes d'usage
(tabac chiqué, tabac en gomme à mastiquer ou le tabac sniffé)
augmentent de 4 à 10 fois le risque de cancer de la cavité buccale et
des voies naso-sinusiennes. Le tabac est en outre un facteur aggravant
pour les maladies cardiovasculaires, l'asthme, la tuberculose et même
le VIH. Selon les projections des épidémiologistes rapportés par le
professeur Alain Desjardin de Montréal, les broncho-pneumopathies
chroniques obstructives liées au tabac pourraient constituer d'ici 2020
la 3ème cause de décès dans le monde.
Selon le Dr Mor Ndiaye du Sénégal la plupart des cigarettes fumées en
Afrique, qu'elles soient légales ou issues de la contrebande, sont plus nocives que celles vendues dans les pays riches du fait de
l'absence des controles.
L'industrie du tabac est un véritable miroir au alouettes pour nos
pays comme le démontre les enquêtes du Professeur Joy Townsend de la
London School of Hygiene and Tropical Medecine. En effet la culture du
tabac a profondément bouleversé l'agriculture traditionnelle par le
détournement des terres à haute valeur alimentaire. Ces cultures
polluent gravement les sols à cause de l'usage intensif des engrais et
des pesticides. Le Malawi et la Zimbabwe sont les seuls pays au monde
qui dépendent nettement de la vente du tabac brut qui représente
respectivement 70 et 32% des recettes à l'exportation. Paradoxalement,
ces 2 pays demeurent malgré tout pauvres et sollicitent souvent l'aide
alimentaire internationale. Dans les pays où des industries de
transformation du tabac sont installées les retombées sont faibles car
ces industries sont fortement mécanisées et utilisent très peu de main
d'oeuvre. D'autre part, les multinationales sont régulièrement accusées
d'entretenir la contrebande de cigarettes.
L'adoption des lois sévères contre le tabac ainsi que l'augmentation
significative des taxes et du prix du tabac sont très dissuasives
surtout chez les jeunes fumeurs. Selon le professeur Joy Townsend une
augmentation de 10% du prix du tabac réduirait la consommation de 8%.
L'Afrique du Sud a ainsi réduit de près de 30% le nombre de fumeurs. La
convention cadre internationale de la lutte anti tabac de l'OMS qui est
entr�e en vigueur depuis février 2005 vise à harmoniser la lutte anti
tabac à l'échelle internationale. L'arrêt du
tabac permet de ralentir le déclin accéléré des fonctions vitales. Il
existe plusieurs méthodes de sevrage qui nécessitent toutes une bonne
dose de volonté et un accompagnement thérapeutique. Les traitements
pharmacologiques disponibles sur le marché permettent d'atteindre 25%
de succès au maximum. Ces produits coutent chers et ne sont pas
toujours disponibles en Afrique. Notre équipe travaille sur un projet
de vaccin anti tabac dont le but est de générer des anticorps qui
bloqueraient la migration de la nicotine au cerveau et empêcher la
dépendance. Le tabac est un réel poison pour l'Afrique. La lutte anti tabac est
un défi majeur qui nécessite l'adhésion de tous pour ne pas
compromettre sérieusement les efforts de développement de notre fragile
continent et éviter son déclin.
Dr Michel Mpandi, PhD
Pharmacien - Biologiste
Direcetur Scientifique des Laboratoires Serolab SA
Lausanne - Suisse
Co-inventeur d'un vaccin anti tabac.
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