Libération s'interroge et offre deux éléments de réponse:
1. pas de hausse significative des prix (peut-être va-t-elle venir si l'Etat a besoin d'argent comme l'indiquait France Soir en septembre)
2. baisse des "subventions" aux associations. L'auteur de l'article manque de mettre en perspective les 9 milliards d'Euros des recettes fiscales procurées par le tabac et la faiblesse des ressources accordées à la prévention (900 K Euros en 2008), ce qui aurait le mérite de souligner la mauvaise volonté de l'Etat français dans ce domaine, surtout si on compare la France aux Etats qui font beaucoup mieux (comme la Californie par exemple). Il n'y a pas de mystère (comme je l'indiquais dans un billet précédent sur la faiblesse des campagnes de communication): sans investissements dans des campagnes permanentes pour "dénormaliser" le fait de fumer, sans hausses des prix, sans incitation et aide à l'arrêt (et pas forcément avec des médicaments), on obtient la stagnation constatée en France et probablement une augmentation à venir...
1% des recettes fiscales affectées à la prévention représenterait un budget de 90 millions d'Euros: le budget de 2008 représentait 1% de 1%.
A titre de comparaison voyez le budget de la sécurité routière environ 200 millions d'Euros et des campagnes choc: l'épidémie tabagique compte moins -énormément moins- que la route. Pourtant combien de familles sont-elles affectées par un décès prématuré lié au tabac? Chaque année, chaque jour? Plus ça change...
Un an d’interdit et des fumeurs toujours accros
La prohibition du tabac dans les cafés, bars et restaurants n’a presque pas fait baisser la consommation de cigarettes en 2008.
YANN SAINT-SERNIN
La cigarette a toujours la vie belle. Un an après l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les lieux de convivialité, la loi a eu un impact limité sur la vente de cigarettes en France. Si la plupart des spécialistes pointent les bienfaits de la loi dans la lutte contre le tabagisme passif, la question du tabagisme actif continue de susciter l’embarras.
Près de 54 milliards de cigarettes ont été vendues en 2008, soit à peu près la même quantité qu’en 2004. Selon Altadis (l’ancienne Seita), le marché a chuté de 2,7 % en 2008. Autant dire que le distributeur ne crie pas à la banqueroute. «Une baisse limitée, légèrement inférieure à nos prévisions», avoue Anne-Marie Lassale, la directrice de communication de l’entreprise. Quant aux ventes de tabac à rouler, elles ont progressé de 3,3 %. «Et encore ces chiffres ne tiennent pas compte des cigarettes de contrebande, des ventes frontalières ou des cigarillos», précise le professeur Gilbert Lagrue, qui parle d’un impact «modéré» de la loi. Selon cet addictologue, s’il y a peut-être eu une diminution des fumeurs occasionnels, «il semble que le noyau dur des gros fumeurs n’a pas bougé».
«Long terme». En Angleterre, où la loi a été mise en place au 1er juillet 2007, une récente étude des services de santé anglais montrait que le nombre de fumeurs n’a pas diminué pendant l’année. Au Comité national de lutte contre le tabagisme (CNTC), on déclare désormais vouloir prendre du recul et attendre des études plus complètes. «Il y aura un impact à long terme sur le tabagisme actif», espère un responsable de l’organisation.
Pour le ministère de la Santé, la pilule reste difficile à avaler. «Ce ne sont pas des chiffres dont on fait gorge chaude», indique-t-on à la direction générale de la santé (DGS). D’autant qu’il y a un an, la ministre ne tarissait pas d’espoir. «J’espère que les fumeurs vont profiter de l’interdiction pour arrêter de fumer», déclarait Roselyne Bachelot le 31 décembre 2007. Aujourd’hui, on corrige le tir. «Le but de cette loi est de lutter contre le tabagisme passif et non contre le tabagisme actif», indique la DGS.Mais selon l’Office français de prévention contre le tabagisme (OFT), réduire le nombre de fumeurs faisait bien partie des objectifs «collatéraux» de la loi. «Nous nous attendions à des chiffres plus significatifs», lâche Joseph Osman, le directeur de l’association.
Effets pervers. Pour le professeur Robert Molimard, un des pères de la tabacologie, la loi aurait même des effets pervers sur les personnes accrocs au tabac : «Le fumeur est terriblement dépendant. Fumer fait partie de son identité. Si on attaque directement son identité, on déclenche un mécanisme de défense.» Désormais, d’autres tabacologues pointent les insuffisances de la mesure. «Interdire, c’est fondamental, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aider les fumeurs à avoir une meilleure compréhension de leur addiction», explique le docteur Yves Nadjari, tabacologue à l’hôpital Cochin.
L’OFT ne cache pas non plus ses inquiétudes. Même s’il promet des résultats «spectaculaires», en matière de lutte contre le tabagisme passif, l’organisme craint une recrudescence de la cigarette chez les jeunes. En cause, selon Joseph Osman, l’insuffisance de la prévention. En 2007, les pouvoirs publics avaient alloué une subvention de 2,4 millions d’euros aux associations antitabac. En 2008, la somme avoisinait seulement les 900 000 euros, selon une source au ministère. A la DGS, on tente une explication : «2007 était une année particulière, nous avons beaucoup travaillé sur le tabac, avec la mise en place de la loi.»
Certaines associations réclament déjà une nouvelle hausse du prix du tabac. «C’est la mesure la plus efficace pour dissuader les fumeurs», selon Joseph Osman. Altadis confirme, à son corps défendant : «En 2004, après l’augmentation massive de la fiscalité sur le tabac, le marché avait chuté de 18 % !» Mais certains médecins redoutent les effets pervers d’une telle mesure sur les fumeurs dépendants. «Les fumeurs se tournent de plus en plus vers les cigarettes issues du trafic transfrontalier ou vers le tabac à rouler, moins cher mais plus nocif», explique Gilbert Lagrue.
Pour l’instant, une seule mesure est annoncée : l’apparition d’images de poumons atteints du cancer sur les paquets de cigarettes, mais aucune date n’est encore fixée.
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