Interdiction de fumer dans les lieux publics : coûts et bénéfices
« Interdiction de fumer : les gagnants et les perdants » titre CAPITAL qui estime que si le décret antitabac est « rude pour les fumeurs », il ne l'est « pas forcément pour notre économie » car « les entreprises devraient en tirer un joli bénéfice ».
Gros plan sur Total qui a dépensé 200 000 euros en affichage antitabac et programmes de désintoxication, avec pour résultat 300 salariés qui ont arrêté de fumer. Le DRH se félicite « Moins de bronchites, moins d'arrêts de travail, c'est indéniable nous sommes gagnants ». Le journal qui indique qu'un salarié fumeur coûte en moyenne 2600 euros par an à son entreprise en perte de productivité, souligne que grâce à ses 300 accros en moins Total a déjà économisé 780 000 euros. D'après l'économiste Pierre Kopp, « en 2005 la consommation de cigarettes a fait perdre à la société 47 milliards d'euros » (22 milliards en dépenses de santé et 25 milliards correspondant à la perte de productivité pour les entreprises). Affirmant qu'en Italie, en Irlande et en Espagne , en raison des lois antitabac la consommation devrait chuter « d'au moins 10% » selon l'épidémiologiste Catherine Hill, le magazine rapporte que pour Gérard Dubois, président de l'Alliance contre le tabac, cette baisse de la consommation de tabac « permettra d'épargner des dizaines de milliers de vie d'ici 2027 » avec un nombre de décès annuels qui pourrait passer de 20 400 à 16 400 pour les cancers du poumon et de 27 500 à 20 500 pour les pleurésies, infarctus et pneumonies. Le mensuel estime que selon ses propres chiffres, cette réduction des pathologies pourrait faire économiser 174 millions d'euros par an à la sécu, tout en soulignant qu'auparavant la sécu va devoir payer de sa poche 60 millions d'euros de substituts nicotiniques pour aider les fumeurs à décrocher. D'après le journal, ce marché des substituts est en « plein boom » avec un chiffre d'affaire des labos en progression de 27% l'an dernier. Assurant que ce décret va dans un premier temps coûter de l'argent aux entreprises, le journal considère qu'il devrait tout de même leur permettre de s'y retrouver. Ainsi le DRH de la société de recrutement Monster, observe que les femmes de ménage passent moins de temps à vider les cendriers et à lessiver les carreaux et que la moquette s'use moins vite. Une entreprise de moquette déplore pour sa part « Au lieu de changer de revêtement de sol tous les trois ans en moyenne, les entreprises le feront une fois tous les six ans ». Capital qui note qu'un « autre bonus » est la productivité des salariés, relève que 10 pauses cigarettes par jour correspondent à quinze jours de congés payés, ce qui pourrait faire gagner aux entreprises privées 2,5 milliards d'euros. Un point aussi sur les hôtels devenus non fumeurs et notamment les Ibis dont le taux d'occupation est passé de 75 à 76% en 2006, et ce constat que les chambres sans tabac sont réhabilités tous les sept ans, soit deux fois moins souvent que « les appartements nicotiniques ». D'après le magazine, les cigarettiers devraient toutefois abandonner 170 millions d'euros de chiffre d'affaire par an mais ils ont déjà diversifié leurs produits, et les débitants de tabac pourrait perdre 30% de leur activité (4,9 milliards d'euros) dès 2008 selon la confédération des buralistes, un chiffre que le journal juge « très exagéré » et qu'il ramène à 2 milliards d'euros. Jugeant que pour les finances publiques l'affaire ne serait pas très rentable non plus avec une perte de 1 milliard d'euros de recettes fiscales par an pour l'Etat, le mensuel ajoute que par ailleurs les caisses de retraite « déjà affaiblies » vont devoir payer des pensions aux milliers de Français qui ne mourront pas prématurément du tabac, soit des versements supplémentaires d'environ 2 milliards d'euros par an d'ici 2027. Et de conclure « Ennuyeux n'est ce pas ? »
Interdiction de fumer et comportement social
« Mais où sont passés les fumeurs ? » interroge le magazine ELLE qui observe que « depuis le 1er février ils semblent de plus en plus rares » d'où cette question « la loi les aurait-elle convaincu d'arrêter ? ». L'hebdo qui fait état de l'envol des ventes de substituts et de la prise d'assaut des consultations tabacologiques, estime que « on est loin de la grogne que redoutaient les parlementaires » puisque la mesure a été très populaire avec 76% d'opinions favorables. Pourtant d'après le magazine, ce « taux d'obéissance pourrait presque inquiéter » et constituer « les prémices d'une dictature sanitaire ». Un sociologue rassure « Nous ne sommes pas plus disciplinés qu'avant, simplement la santé est notre bien suprême ». Relevant que certains artistes, figures de la « rebelle attitude » (Arno, Sanseverino), ont dit non à la cigarette, le magazine rapporte que selon le sociologue, « notre société reste très libre (...) avec le tabac on n'obéit pas à un commandement. On pense à soi. Les mêmes individus qui ont arrêté d'en griller une, peuvent très bien griller des feux rouges ». Pour l'addictologue Véronique Peim, la loi antitabac a marché mais moins que la hausse des prix de 2004 et quand on l'interroge sur l'efficacité de la hausse du prix de l'alcool pour limiter sa consommation, elle répond « là ce sera plus dur, la production est nationale ». Et le magazine de déplorer « certains de nos politiques parlent même de dépénaliser la publicité sur le vin ! ».
Le magazine ELLE toujours, qui sous le titre « ça s'fait pas » analyse différents comportements au regard du savoir vivre actuel, souligne qu'avant, fumer ou téléphoner pendant des heures pouvait provoquer au pire un léger agacement alors qu'aujourd'hui « il y a de quoi vous mettre au ban de la société ». Le journal qui se souvient de l'époque « ludique » où « le fait de se faire engueuler parce qu'on fume était le lot du sujet acnéique de 13 ans pris sur le fait par ses parents », rappelle que tous les adultes « clopaient » partout, « au lit, à la fac, à l'hôpital, dans les films de Claude Sautet et même en Amérique ». Jugeant qu'aujourd'hui c'est devenu « pathétique » car « ce sont les plus de 25 ans qui se font engueuler quand ils fument, par leurs enfants notamment », le magazine considère que « les fumeurs sont devenus les nouveaux obèses de la société » et que s'ils n'arrêtent pas « c'est parce qu'ils sont mous, mauvais, sournois » et même « pires » puisque le mangeur de frites « ne cholestérolise que ses propres artères » alors que le fumeur « c'est tout de même quelqu'un qui tente sciemment de tuer d'autres gens ». Et Alix Girod de l'Ain d'assurer « qu'à côté d'un client de Philipp Morris, Robert Pickton, le serial killer éleveur de porcs de Vancouver, c'est Nelson Mandela ». Afin d'aider ses lectrices à faire face, la journaliste propose « la parade » qui consiste à : « Ab-fabuliser la situation à mort » en répondant « à l'inconnu qui vous engueule parce que vous avez allumé une petite clope » : « Ne me parlez pas sur ce ton, c'est pas bon pour mon bébé, déjà que j'ai bu trois vodkas à l'apéro ».
bon article merci
Rédigé par : didier | jeudi 06 février 2020 à 07:16