A la Une du PARISIEN ce titre : « La cigarette bientôt hors la loi : 90 jours pour arrêter ». D'après le journal, il ne reste que quelques semaines aux fumeurs pour s'adapter au nouveau texte qui interdira de fumer dans les bars, restaurants et boîtes de nuit le 1er janvier 2008.
Nicolas Villain du Comité national contre le tabagisme, affirme « contrairement à ce que pensaient certains mauvais esprits, le premier volet de la loi a été accepté par l'opinion publique (...) A présent certains craignent que cela se passe mal avec les bars, mais beaucoup de restaurants ont devancé la date d'entrée en application du décret et ont déjà banni la cigarette ».
Assurant que si les propriétaires de bars sont silencieux pour l'instant, ils n'en sont pas moins actifs, le quotidien rapporte les propos de René Le Pape, président de la Confédération des débitants de tabac « Nous sommes toujours contre cette interdiction ; nous nous réunissons en congrès le 12 novembre prochain ; d'ici là nous espérons quelques annonces de la part du gouvernement ».
Et il rappelle qu'avant l'élection présidentielle Nicolas Sarkozy avait souligné « l'absurdité de ne pas avoir le droit de consommer un produit sur son lieu de vente ». D'après le journal, les débitants réclament que la cigarette ne soit pas bannie des terrasses couvertes, tout en demandant des normes moins strictes pour l'installation de fumoirs, l'autorisation pour les petits établissements d'utiliser des extracteurs de fumée homologués, et des dérogations pour les bars-tabac ruraux.
Et René Le pape de prévenir « il n'est pas impossible que nous descendions dans la rue » si ces demandes ne sont pas entendues.
« Mais où pourra -t-on encore s'en griller une ? » interroge Le Parisien qui estime que « le trottoir, la terrasse, le balcon, la file d'attente du cinéma » sont en passe de devenir « les seuls fumoirs officiels de la France » sauf si les propriétaires d'établissements créent des fumoirs au normes où il sera interdit de consommer et de danser. Gérard Audureau de Droit des non fumeur juge toutefois qu'il n'est pas sûr qu'ils prennent « le risque de sacrifier de l'espace pour ces fumoirs complètement improductifs ». D'après le journal, il sera possible de fumer sur une terrasse ouverte, sous les abribus (sauf scolaires), sur les quais de gare ouverts (sauf à Paris où le préfet les a interdit de tabac). Inquiet de la « menace (qui) plane sur ces derniers espaces de liberté », le journal assure que « les plus farouches des non fumeurs (...) inondent leurs associations favorites de récriminations contre les volutes de fumée qui montent du balcon voisin (...) du bout de trottoir devant le resto (..) ou de son camarade de gradin au stade ». Gérard Audureau qui parle à ce sujet de « dommages collatéraux » de la loi, observe toutefois « nous nous attendons à voir naître beaucoup de ces problèmes dans l'avenir car l'intolérance au tabac se fait chaque jour plus forte ».
Le Parisien a demandé à cinq de ses lecteurs fumeurs s'ils étaient inquiets. Une étudiante de 18 ans qui répond par l'affirmative, précise qu'elle essaie d'arrêter de fumer. Un technicien de 35 ans assure « ça va être l'enfer (...) c'est une certaine forme de liberté qui s'en va. (...) on va se retrouver dehors entre fumeurs et cela va encore resserrer notre solidarité ». Une secrétaire de 39 ans dit « je ne crois pas qu'on arrive à imposer une telle loi (...) il s'agit d'une atteinte à la liberté (...) je ne pense pas que cette mesure incitera davantage à s'arrêter de fumer ». Un consultant de 37 ans se dit « plutôt pour cette loi » sachant que « la vraie liberté aurait peut être consisté à laisser aux établissements la liberté de se déterminer ». Un agent de sécurité de 22 ans dit qu'il va continuer à fumer malgré l'interdiction. Il se veut « rebelle » tout précisant que cette interdiction « peut (l') inciter moins à sortir dans les bars et discothèques ».
Visite dans un café restaurant du 18ème arrondissement à la clientèle hétéroclite où « 9 consommateurs sur 10 sont fumeurs ». Le patron qui estime que le bannissement du tabac sera accepté dans la zone restaurant, assure en revanche se faire « beaucoup de souci pour la partie bar » et il ajoute « je pense perdre 30% de mon chiffre d'affaire ». Un client déclare « ce genre de cafés se sont les derniers lieux de convivialité qui existent dans Paris. Avec cette loi ils vont les tuer ». La serveuse « s'énerve » « et moi alors je vais dire aux clients d'attendre leur dessert car je vais sur le trottoir pour fumer ? ». D'après le journal, le patron qui est non fumeur, concède qu'à la fin de certaines journées, le tabac l'indispose. Il estime cependant « on devrait laisser aux bars la possibilité d'être non fumeurs ou pas » tout en précisant qu'il se conformera à la loi, même si d'ici là aucun de ses clients n'a l'intention d'arrêter de fumer.
Gros plan sur « La plus grande boîte de Nantes (qui) s'organise déjà » Le patron de la boîte qui affirme « ça va être ingérable », prend, quoiqu'il en soit, les devants en aménageant 400 m2 de terrasse au premier étage afin, malgré le très important surcoût, de garder un fonctionnement normal en évitant les entrées et sorties de l'établissement. Il observe« Ici ça va on n'a pas de voisins, mais imaginer ce que ce va être en centre ville, avec des centaines de gens dans la rue en pleine nuit... ». Un barman reconnaît « C'est mieux pour moi si plus personne ne fume (...) ça fait des années que je travaille la nuit, ce serait bizarre si je n'ai pas un cancer avant la fin de ma vie ». Le patron s'inquiète toutefois « En Irlande, ils ont perdu 40% de leur clientèle les six premiers mois (...) les affaires vont se retrouver en difficulté financières. Certains ne s'en relèveront pas ».
A noter un tableau sur les chiffres du tabac, avec 31,8% de fumeurs en France en 2006 contre 31,2% en 2004 et 30,4% en 2003 , sachant que 48,5% des 18 - 25 ans fument contre 40,3% en 2003. D'après des statistiques canadiennes, 27% des fumeurs qui s'étaient vus interdire le tabac au bureau ont abandonné le tabac dans les deux ans.
Et un tableau sur les interdictions du tabac dans les lieux publics en Europe. Avec interdiction totale en Irlande, en Italie, en Suède, en Ecosse, en Irlande du Nord et en Angleterre. Et Interdiction partielle en Espagne, en Hollande, en Belgique, en République tchèque et en Allemagne.
Pause - cigarette et productivité
« Fumer nuit-il gravement à la productivité de l'entreprise ? » interroge LE MONDE dans son supplément Economie, sachant que pour les uns, la cigarette est une perte de temps et que pour les autres elle permet de créer du lien. Observant que, sauf fumoirs dans les entreprises, on ne peut plus fumer qu'à l'air libre, le journal précise que selon une enquête, seules 16% des entreprises ont installé des fumoirs, d'où la nécessité pour les fumeurs de sortir du bâtiment et de « prêter le flanc au soupçon de perte de productivité ». Pour le gérant d'une société qui commercialise des cabines fumeurs cette perte de productivité est « évidente » car « les temps de pause sont plus longs à l'extérieur que dans un fumoir ». Le quotidien qui indique qu'en Italie, un groupe de directeurs du personnel propose de retirer une heure par jour sur la fiche de paye des fumeurs, ce que certains patrons font déjà selon eux, affirme qu'en France « cette méthode répressive ne semble pas être pratiquée », avec un discours plus nuancé sur la perte de productivité. Au siège de la Fnac on affirme que « ce n'est pas un sujet » et on ajoute « il n'y a pas de contrôles, pas de polémique » car « le personnel n'est pas avare de son temps passé au bureau ». Chez Abax, entreprise de produits chimiques, où les salariés fument pendant les pauses habituelles (une par demi journée), le président, lui-même fumeur, constate « on ne m'a pas signalé d'excès » et il improvise même de petites réunions à l'extérieur, assurant aussi « les salariés ne sont pas à deux minutes près pour partir le soir ». Selon lui, ce qui fait perdre le plus de temps « c'est le papotage dans les bureaux ». Un chef de service dans une entreprise où les fumeurs doivent parcourir une longue distance pour sortir, dit observer « de nouveaux comportements » car si certains « en profitent pour tirer au flanc, d'autres s'organisent pour rester joignables (...) ou pour régler un problème avec un collègue ». Et le Monde de considérer qu'à une époque où « les organisations individualisent de plus en plus le travail, la pause cigarette tendrait à recréer du collectif ». Le dirigeant d'une agence de création de sites Internet voit « un aspect positif » dans ces pauses qui sont « l'occasion de partager des choses professionnelles ou non ». Il dit « j'ai un personnel très motivé, la perte de productivité est dérisoire ». Pour Bertrand Dautzenberg de l'Office français de prévention du tabagisme, « la perte de temps est comparable (...) dehors ou dans un fumoir » et il affirme « qu' on voit de moins de moins de gens au pied des immeubles » car « les fumeurs apprennent à sauter une ou deux cigarettes en recourant ou pas à des substituts ».
Le Monde, se penche aussi sur « Le marathon des ouvriers du Père Dodu », usine agroalimentaire de Quimper, où les salariés sont contraints de parcourir 400 mètres s'ils veulent fumer car il est interdit de fumer dans l'enceinte du site. Indiquant qu'en mars certain d'entre eux ont demandé la construction d'un fumoir car selon le délégué CGT, ils ne disposent que « d'une demi- heure par jour pour déjeuner et fumer une cigarette », le journal estime que dans ces conditions la pause « devient un vrai marathon », sachant qu'il faut enlever sa tenue de travail avant de sortir. D'après le quotidien, pour contourner le règlement, ils ont trouvé une alternative « tolérée par la direction » celle de fumer dans leur voiture sur le parking de l'usine, un spectacle « consternant » selon le délégué syndical. Selon les deux délégués syndicaux « l'inspection du travail n'est pas d'accord avec le règlement intérieur qui impose de sortir du site pour fumer » d'autant qu'il « s'étend sur 4 hectares ce qui laisse largement la place pour construire un lieu fumeur, de type Abribus ». La responsable de la communication déclare pour sa part que « l'entreprise (...) a décidé de faire une application stricte de la loi antitabac », les 22 sites français étant « logés à la même enseigne ». D'après le journal, les syndicats qui font remarquer que les ouvriers travaillent déjà à des températures entre 0 et - 10°, affirment que si de plus « si la pause se fait dans le froid, ça devient vraiment dur ». Le délégué CFDT, non fumeur, regrette « la cigarette ça ne se soigne pas du jour au lendemain, il aurait fallu préparer les gens avant d'imposer cette interdiction totale ».
Etats-Unis - Cour suprême - cigarettiers
L’AFP signale que la Cour suprême des Etats-Unis a rejeté hier le pourvoi de plusieurs grands fabricants de tabac, qui contestaient une décision rendue en Floride accordant plusieurs millions de dollars à deux fumeuses ayant développé un cancer. D’après l’agence, la décision contestée de la cour de Floride avait pourtant été perçue comme une immense victoire des cigarettiers puisqu’elle confirmait l’annulation d’une première condamnation à verser 145 milliards à des centaines de milliers de fumeurs réunis dans une plainte en nom collectif, le juge ayant toutefois validé la plainte de deux fumeuses malades et ordonné aux cigarettiers de leur verser 6,87 millions de dollars.
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