Rendez-vous 160 - January 27, 2007
Merci Véronique de prendre le temps de répondre à nos questions.
Q1. Peux-tu
nous parler de ton parcours personnel (éducation, expérience professionnelle)
et nous dire quand, pourquoi et comment tu tés impliquée dans
le contrôle du tabagisme?
Véronique Le Clézio: Je suis de l’Ile Maurice.
Je suis mariée et j’ai trois enfants. Je suis artiste-peintre et
j’ai fait plusieurs expositions en solo à Maurice, à la Réunion,
en France et en Suisse. Après le Higher School Certificate de
Cambridge, j’ai étudié l’Histoire de l’Art à l’Ecole
du Louvre à Paris.
De retour à Maurice j’ai fait une année de Sciences Sociales à l’Université de Maurice. J’ai été conseillère au Ministère des Arts et de la Culture et au Ministère de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs de 1995 à 1998. Je me suis toujours intéressée aux causes humanitaires et écologiques et j’ai défendu plusieurs cas d’infraction à ces causes et organisé des manifestations de rue.
En 1998, j’ai été sollicitée
par une association de consommateurs pour lancer un mouvement antitabac.
En 2001, j’ai enregistré l’association ViSa « pour une meilleure
qualité de vie sans tabac », dont j’assume la présidence jusqu’à
ce jour.
Q2. Peux-tu nous parler de la situation du tabac et du tabagisme à Maurice et nous dire quelles sont selon toi les priorités
pour la lutte contre le tabac?
Véronique Le Clézio: L’industrie du tabac, la British American Tobacco fut la première industrie de Maurice. Elle fut active de 1926 à 2006. Plus de 50% des hommes étaient des fumeurs réguliers à Maurice. En 1998, 42% des hommes et 3% des femmes fumaient. Notre pays a le record de tabagisme pour l’Afrique, soit 1636 cigarettes par an et par habitant adulte. Selon les derniers sondages, le taux de tabagisme actuellement de 38% chez les hommes et de 5 à 8 % chez les femmes. Selon la Banque Mondiale il y aurait 32% de Mauriciens fumeurs dans la période 2000-2005.
Le plus grand danger qui guette notre pays est le tabagisme de la femme qui va croissant avec une certaine idée d’émancipation et d’occidentalisation, et surtout à travers les films de Bollywood.
La priorité pour la lutte
antitabac à Maurice est d’amender la loi pour y introduire une interdiction
de fumer dans les lieux publics et les lieux de travail, dont les restaurants
et les bars, de réduire les points de vente de tabac (plus de 10,000
points de vente actuellement pour 1.2 millions d’habitants !), et d’interdire
la publicité directe et indirecte de tabac comme le ‘sponsorship’.
Q3. Bien
que l'Afrique ne soit pas considérée (pas encore) comme prioritaire
dans la lutte contre le tabac, dans la mesure ou la prévalence et le
nombre de fumeurs y sont moins élevés (sauf en Egypte) par comparaison
avec la Chine ou la Russie, il est significatif que Philip Morris ait
décidé de construire une nouvelle usine au Sénégal: à l'évidence
l'industrie considère l'Afrique comme un marché en croissance et y
déploie une activité intense en marketing et promotion. Comment juges-tu
la présence de l'industrie dans ton pays? Penses-tu qu'elle est
puissante et en croissance?
Véronique Le Clézio: Malgré la fermeture de l’usine
de la BAT, l’industrie du tabac reste puissante à Maurice, et renforce
son réseau dans la région de l’océan indien et en Afrique. Elle
infiltre les milieux politiques et les Organisations Non Gouvernementales
en achetant une crédibilité auprès du public à travers des pseudo-mécénats.
Q4. Dans
beaucoup de pays l'industrie du tabac est très influente et est capable
de limiter l'impact des législations visant à la contrôler. Comment
le gouvernement de Maurice agit-il avec l'industrie?
Véronique Le Clézio: Le gouvernement mauricien est quasiment inerte pour le contrôle du tabac. Il pratique beaucoup de complaisance à l’égard de la BAT. Le Ministre de la Femme et le Ministre du Travail sont régulièrement invités aux fonctions de relations publiques de la BAT et se font photographier remettant des diplomes et des prix de la BAT aux étudiants, aux pauvres etc.
L’association ViSa doit harceler
le Ministère de la Santé pour que le point focal de la lutte antitabac
se réunisse. Un projet d’amendement au ‘Public Health Act’ pour
le rendre conforme aux mesures de la CCLAT, n’en finit pas de
ne pas aboutir…
Q5. Les
organisations non gouvernementales agissent comme des "chiens de
garde" en matière de santé publique. Peux-tu nous parler
de leurs activités?
Véronique Le Clézio: Il existe des centaines d’ONG à Maurice, dont plusieurs pour la santé publique : Alcool, drogue, diabète, cœur, cancer, mais il manque souvent un travail de coordination. L’association ViSa tente de travailler en collaboration avec certaines ONG pour ajouter le contrôle du tabac à leurs agendas.
Q6. Y-a-t-il
autre chose que tu veux ajouter?
Véronique Le Clézio: Certaines réalités sont propres à l’Afrique et sensiblement compréhensibles aux Africains, c’est pourquoi un réseau spécifiquement africain, par l’Afrique et pour l’Afrique est important.
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